Jeudi, je vous disais que ce qui me donne le vertige dans les attentats de Paris, c'est la facilité avec laquelle ces opérations peuvent être menées de nos jours. C'est le nouveau visage du terrorisme.

Fini de courir le risque de fabriquer une bombe dans son salon et de tenter de la placer en catimini sur un objectif. Fini de se casser la tête pour détourner un avion.

Bombay, Nairobi, Utoya, Paris: des hommes, une motivation en acier, quelques armes légères, et le résultat est optimal, avec un minimum de moyens. Le choc psychologique connaît des secousses mondiales sans commune mesure avec le nombre de morts.

À cela, ajoutez Twitter et ce fou qui prend des otages dans un café de Sydney. Eh bien, Twitter fait de ce café de Sydney le café de votre quartier: avant Noël, nous capotions comme si nous étions Australiens...

Et cette semaine, nous étions tous Parisiens, bien plus que tous Charlie.

Jeudi, en fin de chronique, réfléchissant à voix haute sur ce terrorisme intime, je me demandais ce qu'on peut faire pour déjouer ça, pour prévenir ces gestes de terreur de proximité, low-tech, attentats qui visent des cibles faciles à frapper parce que peu, pas ou mal défendues...

Pour les aéroports, c'est simple, tu les transformes en bunkers. Tu tâtes les cheveux des voyageurs. Tu scannes les fibres de leurs bobettes. Tu confisques leur gel à cheveux.

Mais une chocolaterie, comment tu protèges ça?

Un journal?

Une base de plein air?

Un centre commercial?

Un centre-ville?

Bien sûr, on peut tout transformer en bunker pour déjouer tous les plans de tous les cons. Mais dès lors, on ne vit plus dans une société, on vit dans un goulag, on vit dans un archipel sécuritaire.

Surtout que pour finir, la cible des tueurs de Paris, comme celles des autres fêlés, loups solitaires ou diplômés de la guérilla yéménite, ce n'est ni nos centres-villes, ni nos chocolateries, ni nos Carrefour Laval.

Non, la cible ultime du terrorisme - même si ses moyens modernes sont devenus plus légers - reste la même. C'est nos esprits.

Jeudi, je vous disais ma certitude: il y aura d'autres cons pour frapper nos chocolateries et nos centres commerciaux. Paris, c'est pas fini, Paris, c'est un point sur l'arc de cette nouvelle terreur intime. Il y aura d'autres attentats, la plupart seront inspirés par des islamistes dopés par une lecture obscurantiste d'un texte écrit il y a des siècles. C'est l'époque.

Comment les déjouer?

J'espère que les policiers et les services de renseignement pourront dépister les fanatiques qui veulent tuer au nom d'Allah et les arrêter. Plus de lois?

Pas sûr.

Plus d'effectifs, plus de sous, pour traquer dans l'ombre les crackpots, certainement.

À ces gestes low-tech de terrorisme intime, il va falloir opposer une résistance tout aussi intime. Il faudra résister là où ces salauds veulent nous ébranler: dans nos têtes, dans nos visions du monde, dans nos imaginations.

Les islamofascistes qui prennent les armes pour tuer veulent aussi que, partout, le bordel prenne entre les musulmans et les non-musulmans. Et si le bordel pogne, si la peur dans nos esprits en pousse quelques-uns à brûler quelques mosquées, ces salauds seront contents, c'est ce qu'ils veulent. Ils s'en branleront de joie, au paradis ou ailleurs.

Je sais que certains pensent que l'islam est un problème en soi, que ce qui se passe actuellement est une guerre de civilisation... Ça fait de bonnes chroniques, de bons livres, même, mais j'ai personnellement peu de goût pour la guerre, et je trouve que la boucherie halal où je vais parfois vend du sacré bon poulet, sacrément moins cher que chez IGA. C'est pour ça que j'aime ce boucher musulman, pas parce qu'il est musulman...

Je ne parle pas d'aimer le voisin musulman parce qu'il est musulman, ce serait parfaitement absurde: la vie n'est pas une brochure du Secrétariat au multiculturalisme. Je dis qu'il ne faut pas non plus l'envoyer promener parce qu'il est musulman. C'est ce que les salauds souhaitent que vous fassiez...

Puis-je alors suggérer de ne pas leur donner ce qu'ils veulent?

Me semble que c'est un peu comme collaborer avec l'ennemi, sinon.