L'homme vient de faire se poser sur la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko un petit robot du nom de Philae, un module qui transmet depuis hier à ses créateurs de l'Agence spatiale européenne toutes sortes de données sur ce corps céleste.

La comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko - affectueusement surnommée Tchouri - se trouve à plus de 500 millions de kilomètres de la Terre.

La comète orbite autour du Soleil, entre la Terre et Jupiter, à une vitesse de 135 000 km/h. Considérez que 135 000 km/h, c'est relativement lent: la vitesse de la lumière est de 300 000 kilomètres à la seconde.

Philae est donc là, à l'instant où vous lisez ces lignes, sur Tchouri. Elle l'ausculte.

Et que cherche-t-on à savoir?

On cherche à en savoir plus sur l'origine de la vie!

«Aucune autre mission précédente n'avait le potentiel de Rosetta pour entrevoir la naissance du système solaire, peut-on lire sur le site de l'Agence spatiale européenne, et explorer le rôle des comètes dans les débuts de la vie sur Terre...»

Philippe Gaudon, le chef du volet français du projet Rosetta, a eu cette jolie formule: «Du haut des comètes, du haut de Philae, du haut de Rosetta, c'est 40 millions de siècles qui nous contemplent...»

Quand je contemple l'univers, j'ai un vertige, je ne le dis pas par automatisme, j'ai un véritable vertige. Qu'est-ce qu'il y avait avant, avant ce qu'on appelle le Big Bang, avant ces 40 millions de siècles?

Qu'est-ce qu'il y avait avant la matière?

Avant l'espace?

Avant le temps?

J'ai acheté un livre, jadis, pour essayer de comprendre: Le monde s'est-il créé tout seul? composé de six entretiens avec des savants, dont Albert Jacquard. Et Jacquard dit ceci:

«Il n'y a pas eu de Big Bang. C'est un nom que l'on donne à un point inaccessible, inaccessible par définition, ce n'est pas un événement, sinon il faudrait qu'une seconde avant, il n'ait pas encore eu lieu, or le temps n'existait pas! Donc, le point «T Zéro» n'existe pas non plus. La science s'en approche: on sait comment était l'univers 300 000 ans après, on remontera sans doute jusqu'au milliardième de seconde après...»

Vous suivez toujours? OK, Jacquard, par ailleurs agnostique, poursuit: «Mais l'instant même, lui, reste inaccessible, car on arriverait à un instant qui n'a pas d'instant avant lui. Autrement dit, imaginer l'origine, c'est définir un moment qui serait le premier, et tenter de savoir ce qu'il y avait avant.»

Et j'ai encore plus le vertige...

Avec Philae, ce sont les distances qui impressionnent. Mais on peut malgré tout les concevoir, ces distances: 500 millions de kilomètres, ça se conçoit, ça s'imagine, ça se met à l'échelle même, quand on sait que la Lune est à 384 000 kilomètres d'ici.

Mais le temps, oh, le temps, c'est autre chose! Le temps, c'est le grand goddam de mystère, je dirais... Et quand on parle de la création de l'univers - ce qu'explore en ce moment Philae en tâtant de la roche céleste -, on se frotte au début du temps.

Surtout: il y avait quoi, l'instant d'avant le début du temps?

Ça, ça se conçoit moins bien. Ou, si ça se conçoit, il faut un acte de... foi.

Justement, en fouillant dans ma bibliothèque pour trouver cette citation de Jacquard, je suis tombé sur mon plus vieux livre, reçu à 5 ans, Histoires de la Bible, héritage de mon passé de petit catholique culturel...

Page 16, sur la création du monde: «Dieu, être vivant, parfait et infiniment heureux en lui-même, n'eut pas de commencement. Il a toujours été. Rien n'existait sauf Dieu. Puis, selon ses propres desseins, sa bonté se manifesta dans un acte de création et, à ce moment, le temps commença...»

Dans la science ou dans la divinité, toujours cette foutue question du temps.

Paf, Hubert Lacroix

La vidéo circule, celle d'employés de Radio-Canada Estrie qui reçoivent la visite du grand boss de la boîte, Hubert T. Lacroix. Il vient leur donner un prix pour l'excellence de leur couverture de la tragédie de Lac-Mégantic.

Un employé l'interrompt, lit une déclaration. Nous avons solidairement décidé de refuser ce prix, dit-il, vu que des milliers de nos collègues ont été mis à la rue: non merci, pour ce prix...

Suggestion de lecture pour M. Lacroix: «Les habits neufs de l'empereur».

Il va peut-être s'y reconnaître.

Une autobus

Je sais qu'on dit UN autobus. Merci à tous ceux qui me l'ont souligné, après ma chronique d'hier. Mais ce n'est pas ce que j'ai écrit...

C'est con, je sais, mais quand je désigne un autobus par le trajet numéroté qu'il emprunte, c'est plus fort que moi, c'est trop profondément ancré: c'est «la». C'était «la» 70 qui me transportait jusqu'au Carrefour Laval, ti-cul, «la» 40 qui me déposait au cégep. Je l'assume, et voici pourquoi.

La pratique persiste, si je me fie aux habitudes langagières modernes. Tenez, hier, j'ai demandé à deux jeunes collègues très entichées des autobus de la STM: «Pour venir à La Presse, quel autobus?»

Réponse de l'une: «La 55.»

Réponse de l'autre: «La 80.»

Vous voyez? Deux journalistes hautement entraînées et rompues aux difficultés de la langue. Même utilisation du «la» pour désigner un autobus, alors qu'on évoque la route dudit autobus. LA route avale LE bus; qui ne font un quand on choisit l'article... Ainsi parlent les gens en notre temps quand il est question d'autobus. Langue vivante, ou quelque chose comme ça...

Un puck ou une puck, au fait?