Le jour de la dernière élection, je me suis pris plein de tomates sur le nez, parce que vous n'aviez pas aimé une chronique-débat avec Yves Boisvert, où j'expliquais que je n'irais pas voter. Et comme mon nez est imposant, plusieurs tomates ont fait mouche.

J'expliquais que j'en avais assez du théâtre des campagnes électorales, où - tous partis confondus - on dit une chose quand on veut être élu et où on fait le contraire quand on l'est.

Les libéraux ont été élus, le 7 avril. Philippe Couillard est devenu premier ministre du Québec. Six mois plus tard, nous voici en train d'entrer dans une phase d'austérité. On a des échos inquiétants en provenance de Québec sur ce qui pourrait être fendu par la hache des libéraux.

Prenez le Régime québécois d'assurance parentale. Le RQAP, programme hyper-populaire, mesure progressiste qui profite grandement aux familles et aux mères qui travaillent, pourrait être l'objet de compressions.

Combien de fois le PLQ a-t-il parlé du RQAP, en campagne électorale, le printemps dernier? Une fois, selon mes recherches. C'était le 8 mars, Journée internationale de la femme, et c'était pour vanter les mérites du régime. Pas un mot sur la nécessité d'y faire des compressions.

Le gouvernement Couillard a imposé aux universités des compressions de 170 millions, la chose est connue. Passons sur le fait que le PLQ, dans l'opposition, n'avait pas de mots assez forts pour dénoncer les compressions de 120 millions imposées par le gouvernement Marois aux universités.

Combien de fois le PLQ a-t-il mentionné, en campagne électorale, une nouvelle ronde de compressions à venir dans les universités, s'il était élu? Selon mes recherches, zéro. Chef d'un PLQ en campagne, M. Couillard évoquait la nécessité d'augmenter les revenus autonomes des universités. C'est tout.

En éducation, le PLQ jurait en campagne électorale qu'il allait trouver 200 millions dans les recoins bureaucratiques du système d'éducation et refiler cette somme aux services aux élèves. L'aide aux devoirs? Le PLQ promettait qu'il allait étendre le service à toutes les écoles primaires et l'étendre aux écoles secondaires.

Ce n'est pas ce qui s'est passé. Les compressions imposées par le ministre Yves Bolduc aux commissions scolaires se traduiront par des compressions dans... l'aide aux devoirs.

Bon, vous voyez où je veux en venir...

Vous m'avez lancé des tomates, convaincu qu'une campagne électorale est un grand exercice de démocratie qui fait pleurer les licornes sur un air de dessins animés de Disney. Vous m'avez dit que j'étais cynique. Comment vous appelez ça, vous, lancer des compressions six mois après une campagne à ne prononcer le mot que du bout des lèvres?

Nous allons entrer dans une phase d'austérité, c'est le mot à la mode, partout dans le monde. Nous allons être - mon néologisme - austérisés, ces prochaines années. Comme partout ailleurs en Occident.

Or, combien de fois M. Couillard a-t-il mentionné le mot «austérité», en tant que chef libéral en campagne, il y a six mois?

Deux fois. Pour dénoncer «l'austérité péquiste»...

Non, en campagne, on ne parle pas de ces choses-là, on dit que tout va aller bien, si on est (ré) élus. On embrasse des bébés, on visite des usines en portant un casque de travail, on fait des discours devant des salles remplies de militants...

Au pouvoir, on s'occupe des vraies affaires. En campagne, on n'en parle pas, des vraies affaires. On parle des licornes. Vos licornes vont se faire couper les pattes et c'est tant pis pour vous.

L'art du reportage

Ça s'appelle 21 jours, c'est un format télévisuel espagnol, acheté par la maison de production Blimp pour le compte de TV5, qui en diffuse l'adaptation québécoise dès ce soir, à 21h. L'idée, c'est de plonger des journalistes dans une réalité qui leur est étrangère pendant 21 jours. Et de filmer leurs pérégrinations, chocs et interrogations.

J'ai visionné le premier épisode qui lance la série, celui réalisé par mon collègue de La Presse Hugo Meunier, l'hiver dernier: 21 jours dans la peau d'un sans-abri.

Le reporter a dormi dehors et dans des refuges. Il a noué des liens avec les sans-abri, il a vécu leur réalité, il a quêté et souffert comme eux de cette vie rude et inhumaine.

Les images rapportées par Hugo et le réalisateur Frédéric Nassif sont dures mais fascinantes. Une téléréalité... réelle: je n'avais jamais vu l'itinérance de cette façon. Le reporter a le temps d'aller au fond des choses, avec une texture impossible à atteindre, sans y mettre le temps.

TV5, avec 21 jours, a fait le pari journalistique du temps. Ce n'est pas rien. Chaque semaine sera consacrée à un thème, exploré par Hugo et deux autres reporters, Myriam Fehmiu et Eza Paventi. Ça promet.