Notre chroniqueur s'est entretenu avec Jacques Duchesneau, qui nie catégoriquement avoir reçu 250 000 $ de l'entrepreneur pour éponger une dette.

«Je ne dois rien à Tony Accurso. Sauf une claque sur la gueule.»

Au bout du fil, Jacques Duchesneau est furibond. Sa tournée médiatique commencée chez Dutrizac n'a pas entamé sa colère face à Tony Accurso, qui dit avoir donné 250 000 $ à M. Duchesneau pour payer les dettes de sa campagne à la mairie de Montréal, en 1998.

En entrevue avec La Presse, l'ex-chef de la police de Montréal réfute chaque affirmation de M. Accurso.

Il jure qu'il n'a jamais rencontré l'entrepreneur avant 2001, à la suggestion du maire de Laval Gilles Vaillancourt, quand il cherchait un terrain pour tenter d'attirer dans la région métropolitaine une université internationale de police, sous l'égide d'Interpol.

«Puis, quelqu'un m'a dit de me tenir loin de Tony Accurso. Je l'ai écouté.»

À l'époque, le nom «Accurso» était inconnu du grand public.

La seconde rencontre a eu lieu au restaurant Milos, avenue du Parc, en 2009, dit Jacques Duchesneau. «J'ai vu Jean Lapierre, le chroniqueur politique. Je n'ai pas reconnu Accurso, qui était avec lui. J'ai salué Lapierre puis, plus tard, Accurso est venu à ma table me dire qu'il voulait me parler. Je lui ai dit que je n'avais rien à lui dire.»

Huit ans après leur première rencontre, le nom «Accurso» avait été rendu célèbre par des enquêtes journalistiques, son fameux bateau et son influence dans les mondes politique et syndical.

Devant la juge Charbonneau, M. Accurso a affirmé vendredi avoir fait un chèque de 250 000 $ destiné à Jacques Duchesneau pour que celui-ci paie les dettes encourues dans sa campagne (ratée) pour la mairie de Montréal, en 1998. Selon M. Accurso, le candidat déchu lui aurait promis un retour d'ascenseur. M. Accurso a dit à la CEIC que Duchesneau, en 1998, était endetté, qu'il avait hypothéqué sa maison pour financer cette campagne...

«C'est faux! tonne Jacques Duchesneau. Je n'ai pas hypothéqué ma maison de la rue Prieur, à Ahuntsic, pour cette campagne.»

Les registres fonciers donnent raison à M. Duchesneau: la seule hypothèque contractée pour cette maison l'a été en 1996, 219 350 $. Une dette payée en 2002, quatre ans après la campagne de M. Duchesneau, quand un couple l'a achetée 350 000 $.

M. Accurso dit avoir fait un chèque à un certain «Richard», pour qu'il transite vers le candidat défait. Vérification faite, il s'agit de Richard Le Lay, collaborateur de la campagne de Nouveau Montréal, dont M. Duchesneau était le chef.

M. Lelay, en entrevue vendredi avec mon collègue Philippe Teisceira-Lessard, a nié cette affirmation. Il dit qu'il n'y a jamais eu de chèque. Il réfute totalement.

Ce n'est pas la première fois que les dettes de Nouveau Montréal hantent Jacques Duchesneau. En 2010, alors qu'il dirigeait l'Unité anticollusion du ministère des Transports, l'Agence QMI avait sorti une histoire alléguant des irrégularités dans le financement de la campagne de M. Duchesneau.

L'enquêteur s'était lui-même mis sur la touche, le temps d'une enquête de trois mois du Directeur général des élections du Québec. Le DGEQ l'avait blanchi et Jacques Duchesneau avait réintégré son poste.

«Ça dure depuis des années, peste M. Duchesneau. Le DGEQ m'a déjà blanchi. Et là, Accurso arrive avec cette histoire de chèque. Qu'il le sorte, le chèque!»

Pour Jacques Duchesneau, c'est simple: les dettes de Nouveau Montréal ont été épongées pendant les trois années suivantes avec une partie des fonds publics reçus par le parti, en vertu de son score électoral, «à peu près 100 000 $ par année», dit Jacques Duchesneau.

Quand il a annoncé qu'il quittait la politique, en 2001, il a voulu régler la dette du parti, environ 140 000 $. «J'ai fait une offre à la Banque Nationale: 50 cents dans la piasse. La Banque a accepté.» Il a réglé pour 75 000 $. «Tout cela, le DGEQ l'a confirmé dans son enquête.»

Le fameux rapport Duchesneau, fruit des travaux de l'ex-chef de police au ministère des Transports, avait eu l'effet d'une bombe au Québec: il avait dépeint un système de grands travaux publics sous l'influence indue d'intérêts privés, confirmant de grands pans des enquêtes journalistiques des années précédentes.

«Dans le rapport ''secret'', celui qui n'est pas sorti, je nommais Tony Accurso», me dit l'ex-député caquiste au bout du fil. Le rapport «public», bien qu'explosif, ne donnait aucun nom.

«J'ai nui à Tony Accurso avec mon travail à l'UAC, c'est clair. Il veut se venger aujourd'hui. Il veut m'intimider, mais ça ne marchera pas.» Il ajoute: «Accurso a donné 75 000 $ en contributions politiques au fil des années. Et il me donnerait un quart de million, alors que je ne suis plus en politique?»

Qui dit vrai?

Je ne suis vraiment pas prêt à donner le bénéfice du doute à Tony Accurso.

Voici un homme qui s'est battu bec et ongles pour ne pas donner sa vérité à la CEIC. Voici un homme qui n'a rien de mal à dire à propos des «contacts» qui ont pilé sur l'éthique pour l'accommoder, lui, le grand bâtisseur, et se faire bronzer sur son bateau. Voici un homme accusé dans des affaires criminelles et fiscales qui supposent un minimum de duplicité...

Et la seule grenade qu'il balance dans son témoignage, elle est destinée à Jacques Duchesneau, un homme qui a jadis lancé ses enquêteurs aux trousses de ses entreprises! Un homme qui l'a profondément irrité, nul doute, par ses actions et son rapport.

Si Tony Accurso affirme quelque chose, disons que je n'ai pas envie de le croire sans preuves.

Et je ne vois pas de preuves de ce que Tony Accurso affirme sur Jacques Duchesneau.