Quand Pierre Karl Péladeau a fait le grand saut, je me suis dit qu'un des effets directs pourrait être quelques gains dans cette terre aride pour le Parti québécois (PQ): la région de Québec.

Ça me semblait logique. Québec vote à droite - fief adéquiste, circonscriptions caquistes, députés conservateurs au fédéral - d'une façon qui n'existe pas dans d'autres régions. Et PKP est à droite.

Québec a l'espoir de revoir la LNH dans son Colisée 2.0. Et PKP a piloté le dossier du retour des Nordiques.

Mariage parfait, pensais-je...

Je suis dans le champ, me signale-t-on à Québec...

«À part le candidat péquiste Pierre Châteauvert dans Jean-Lesage, il n'y a pas beaucoup de monde pour dire qu'il y a un effet PKP dans la région», me dit Dominic Maurais, animateur de Maurais live, diffusée sur les ondes de CHOI Radio X.

Mario Roy a organisé la Marche bleue en 2010, pour montrer l'intérêt populaire - 60 000 personnes sur les plaines d'Abraham - en faveur du retour des Nordiques à Québec. Il a pu côtoyer Pierre Karl Péladeau, dans la foulée de cet événement. Il admirait son sens des affaires. Il admirait le dévouement de PKP pour créer des conditions propices au retour des Nordiques.

J'utilise l'imparfait parce que Mario Roy a été déçu de voir M. Péladeau faire de l'indépendance sa priorité.

«Les sondages le montrent: 60% des gens n'en veulent pas, de référendum. Et lui, il quitte ses fonctions pour aller parler de souveraineté? Je suis déçu du gars, je ne m'attendais pas à ce qu'il parle autant de souveraineté.»

Mario Roy est la preuve vivante que le scepticisme de la région de Québec par rapport à la souveraineté - en 2012, la CAQ a gagné neuf circonscriptions, le PLQ sept et le PQ deux - est profondément enraciné. Voici un homme qui a côtoyé PKP, qui a toutes les raisons de l'admirer... Et qui décroche parce que l'ancien PDG de Québecor a levé le poing pour marquer son engagement à faire du Québec un pays.

«Si Martin Coiteux parlait de santé, je serais déçu: les libéraux le présentent comme une vedette de l'économie. C'est la même chose pour Pierre Karl: c'est censé être un homme d'affaires aguerri, et il nous parle de souveraineté. Je suis déçu.»

Gilles Parent, animateur au FM 93, se décrit comme un caquiste. L'arrivée de M. Péladeau au PQ n'aura, dit-il, aucun effet positif pour les candidats de Pauline Marois.

«Impossible que ça aide le PQ à faire des gains. Dans Taschereau, Agnès Maltais va être réélue, c'est une bonne députée, qui travaille fort. Même moi, si j'habitais dans son comté, je voterais pour elle.»

Si ça se trouve, croit Gilles Parent, l'effet PKP est ailleurs: dans la galvanisation des fédéralistes. «La question que je pose: et si son arrivée nuisait partout où il voulait aider?»

Pour Dominic Maurais, si le PQ a pu avoir des chances de séduire la région de Québec, c'était bien avant que PKP ne se joigne à lui.

«J'étais contre la Charte, mais ça m'a mis en conflit avec une partie de mon auditoire: beaucoup d'auditeurs libéraux m'écrivaient pour me dire qu'ils étaient pro-Charte, et qu'ils pensaient voter PQ.»

Dans le sondage CROP-La Presse de mardi, le PQ était deuxième, à 27% des appuis, derrière le PLQ (36%) et devant la CAQ (23%).

Le décrochage, selon Dominic Maurais, s'est déroulé en deux temps. «D'abord, quand Mme Marois a utilisé un hélicoptère pour distribuer ses nananes, avant le déclenchement. Puis, quand PKP a levé le poing dans les airs...»

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PIERRE CHÂTEAUVERT

CANDIDAT DU PQ DANS JEAN-LESAGE

«En porte-à-porte, UNE personne m'a dit qu'elle ne voterait pas PQ à cause de PKP.»

Pierre Châteauvert insiste sur le mot «une» avec toute la fougue qui sous-tend sa réputation d'homme direct. Il jure qu'il constate un «effet PKP» positif pour le PQ à Québec.

Mais à sa seconde tentative pour devenir un des rares députés péquistes dans la région de Québec, il ne se hasarde pas à faire des prédictions.

«Je ne sais pas ce qui va se passer. Je crois avoir d'excellentes chances. Je récolte ce que j'ai semé en 2012...»

Châteauvert, vieux routier péquiste - il a été DG du parti et chef de cabinet -, a perdu par 651 voix en 2012, derrière le député libéral sortant André Drolet.

La souveraineté, Pierre Châteauvert y croit dur comme fer. Mais il parle plus spontanément de nickel que du pays: Limoilou est souillé par la poussière de ce minerai qui émane des activités du Port de Québec, organisme fédéral qui ne brille pas par sa collaboration dans ce dossier.

«Je suis en guerre contre le Port de Québec, dit le candidat péquiste, ils vont respecter les lois québécoises...»

Un bénévole de campagne, à côté du candidat, fait les gros yeux quand M. Châteauvert utilise le mot «guerre», et celui qui posait des pancartes pour le «oui» en 1980 corrige le tir.

«Le terme est trop fort. Mais il FAUT que ça arrête!»

GÉRARD DELTELL

CANDIDAT DE LA CAQ DANS CHAUVEAU

Quand j'ai rencontré Gérard Deltell en 2012, l'ancien journaliste me semblait plus guilleret. La CAQ jouissait alors de «l'effet Duchesneau» et Gérard, élu en 2008 comme adéquiste, n'avait pas de raison de douter de sa réélection. Et réélu, il le fut: par plus de 12 000 voix.

Ce coup-là, Gérard sent bien que PKP réveille les instincts libéraux de certains fédéralistes. «Je ferais fi des chiffres si je disais le contraire. Mais les débats s'en viennent. Il va y avoir d'autres enjeux.»

Il prie, comme d'autres caquistes, pour que les «autres enjeux» prennent le pas sur la question référendaire. Il aimerait bien dire que péquistes et libéraux pensent la même chose sur les mini-centrales, la cimenterie gaspésienne et le développement éolien, autant de mesures «interventionnistes», selon lui...

Au restaurant, RDS diffuse une pub de la CAQ. «Le boss», dit respectueusement Gérard Deltell en s'interrompant. «L'accueil est positif quand je rencontre les gens. Mais on me parle de choses qui n'étaient pas évoquées en 2012. Référendum. Indépendance.» Je le suis dans sa tournée de poignées de main. Partout, Gérard Deltell est accueilli avec chaleur. Partout, on le connaît.

À la salle de bowling de Loretteville, où le caquiste fait une escale, Robert Plamondon me dit qu'il a déjà été péquiste, jadis. «Mon idée, c'est de voter PLQ ce coup-là. Mais Gérard Deltell est un bon gars. Alors je ne sais pas trop.»

YVES BOLDUC

CANDIDAT DU PLQ DANS JEAN-TALON

Yves Bolduc visite une clinique toute neuve dans Beauce-Nord, flanqué de la candidate libérale locale José Couture. Une nouvelle clinique! L'ex-ministre de la Santé est excité comme une puce! Un modèle du genre, me dit-il, une dizaine de municipalités se sont mises ensemble pour payer l'édifice et...

Et j'ai comme oublié la suite!

Alors, cette campagne, M. Bolduc?

«On entend souvent: «N'importe qui sauf Pauline», c'est un mouvement. En 2012, il y avait un mouvement anti-Charest. En 2014, dans la région de Québec, je sens un mouvement anti-Marois...

«Si cette tendance se concrétise, ça nous avantage. Une bonne partie du vote caquiste va venir vers le PLQ. Pas vers le PQ.»

Pour la candidate dans Beauce-Nord, une ancienne adjointe de la ministre de la Culture Christine St-Pierre, la côte est abrupte. Le caquiste André Spénard a gagné par 12 000 voix en 2012, et a succédé à l'adéquiste Janvier Grondin.

«En 2012, tranche Yves Bolduc, les gens ont voté pour la CAQ sur la base des sondages. Les sondages représentent ce que les gens pensent, mais ils orientent aussi vers qui ils devraient voter...»