Assis dans un salon du 27e étage de l'édifice de Bell Média, rue McGill College, Jacques Parisien répond à mes questions. Pendant 50 minutes, sans langue de bois, parfois avec des gros mots, il m'a parlé du scandale de Tourisme Montréal, dont il présidait bénévolement le conseil d'administration jusqu'à vendredi dernier.

> Lettre de Jacques Parisien: Gare à la partisanerie

Ce gestionnaire de haut niveau - il a piloté avec brio Astral Média jusqu'à sa vente récente à Bell - m'a livré sa vérité sur le scandale impliquant la rémunération et les dépenses somptuaires de Charles Lapointe, PDG de Tourisme Montréal pendant 24 ans.

Le vérificateur général du Québec s'est inopinément mis le nez dans les affaires de TM, un organisme financé par les fonds publics et par une taxe spéciale sur les nuitées d'hôtel. Il a publié un rapport dévastateur sur la gestion de M. Lapointe, qui semblait considérer TM comme une province lui appartenant.

Quand le VG a publié son rapport, Lapointe était déjà à la retraite. Mais la tempête a entraîné la démission de Parisien, vendredi dernier.

Ce qui l'a le plus troublé des révélations du VG au sujet de Charles Lapointe, c'est ce que Parisien appelle «les questions personnelles»: les dépenses que le PDG s'est fait rembourser en double et ces reçus d'impôts (64 000$) qu'il a empochés pour des dons de charité payés par Tourisme Montréal.

Je demande à Parisien quel mot lui vient à l'esprit dans l'affaire des reçus d'impôts empochés par Lapointe pour des dons de charité faits par Tourisme Montréal.

«Illégal», répond-il du tac au tac.

Parisien le dit d'entrée de jeu: il assume tout en tant que président. Mais il a ses explications, qui tiennent en deux points, je dirais, sur les dépenses pharaonesques que Charles Lapointe s'est fait rembourser sur des motifs douteux.

Primo: «Les membres du conseil n'avaient pas un grand intérêt pour la gouvernance. Ce qui nous intéressait, c'était comment attirer plus de touristes à Montréal.»

Avec le recul, convient-il, oui, il aurait fallu se pencher sur la gouvernance. Mais il ne croyait pas qu'il y avait de pépin de ce bord-là: les budgets sectoriels étaient finement planifiés, dit-il, et il n'y avait pas de débordements. Ces budgets étaient respectés, incluant ceux des frais de représentation. Si ça n'avait pas été le cas, il aurait plongé dans le détail.

Deuzio: «Les comptes de dépenses de M. Lapointe, et ses dépenses, faut dire qu'il y en a beaucoup qui ne venaient même pas à mon attention. La grosse majorité. Ça reflète évidemment une déficience dans le système administratif en place. Mais moi, j'avais pas vraiment de moyen de le savoir. Je demeure un bénévole, bénévole à temps partiel, OK?»

C'est facile, après les faits, après que le VG eut passé les finances de Tourisme Montréal aux rayons X, de dire que le conseil d'administration aurait dû savoir. Le C.A. de Tourisme Montréal est composé de bénévoles, ce n'est pas un C.A. professionnel comme on en retrouve chez Bombardier, Bell ou CGI.

- Et, dit-il, probablement qu'avec le temps, il s'est instauré un climat de confiance à l'interne avec M. Lapointe...

- Était-il digne de cette confiance?

- Si vous me demandez si j'endosse ce qu'il a fait, no f"" way, répond Parisien.

Et même chez Astral, lance-t-il, la firme qu'il a dirigée pendant des années, le C.A. n'est pas tenu au fait des menus détails des comptes de dépenses de ses employés, rappelle-t-il. Il y a des remparts, à l'interne, pour dépister les crosses. Ces remparts n'ont pas joué leur rôle chez Tourisme Montréal.

- Estimez-vous que Lapointe vous a roulé dans la farine?

- Ça, ça veut dire, s'il m'a fourré?

- Oui...

C'est la seule fois où je sens que Jacques Parisien pèse ses mots avant de parler. Puis, il répond:

- Il m'a déçu énormément.

À propos du salaire de Charles Lapointe et de ses avantages, il assume le fait d'avoir étiré à deux ans son indemnité de départ. «Deux ans, dans le privé, un mois par année de service? Ce n'est pas exceptionnel.»

Quant à ce salaire imposant - 398 000$ avec les avantages - , Parisien le défend. Le prix à payer, dit-il, pour avoir un vendeur exceptionnellement doué pour Montréal. «C'est ce qu'ils paient à Ottawa, Boston, Toronto.»

J'écoute Jacques Parisien me raconter sa colère, sa tristesse d'avoir été sali par cette affaire «alors que Tourisme Montréal est extrêmement performante»...

Et je me dis qu'il aurait dû parler dès la semaine dernière.

Je lui en fais la remarque.

Il n'est pas d'accord. «Vous - les médias - en étiez encore à pendre le monde.»

Là, c'est moi qui ne suis pas d'accord: si j'avais pu lui parler vendredi, je n'aurais pas écrit la même chronique, samedi dernier.

J'avais demandé à Tourisme Montréal de lui refiler ma demande d'entrevue. «Je ne l'ai jamais eue», dit-il.

- Si vous croisiez Charles Lapointe aujourd'hui, vous lui diriez quoi?

- Rien, répond Jacques Parisien.

- Rien, ou vous ne voulez pas me le dire?

- Je ne veux pas vous le dire.

présider des conseils.»