Au bout du fil, Claude Généreux est intarissable. L'homme qui veut succéder à Michel Arsenault comme président de la FTQ pourrait avoir sa photo sur la fiche Wikipédia «Vraies affaires et anti-langue de bois».

«Le premier péché de Michel Arsenault? Il n'a pas démontré les qualités morales d'un dirigeant syndical. Sur les écoutes électroniques, il traite Jocelyn Dupuis en ami. Il dit que la parade du 1er mai, fête des Travailleurs, ça l'énerve de devoir y aller. C'est comme si un curé ne voulait pas faire la messe de Noël: qu'il défroque!»

Ouch...

Les propos de l'ancien secrétaire-trésorier du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) détonnent dans les grandes manoeuvres qui accompagnent généralement le remplacement d'un chef syndical québécois. D'habitude, les campagnes se font de façon plus discrète, disons...

«Michel Arsenault a désigné Daniel Boyer comme son successeur, comme le candidat de la continuité», note-t-il, ironique: la FTQ ne peut pas être dans la continuité.

J'ai croisé Claude Généreux une fois, en 2009. L'entrevue portait sur la guerre civile qui ravageait le syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal, affilié au SCFP, dont il était le numéro deux. En trois ans de reportages à ce sujet, jamais le SCFP-Québec ou la FTQ n'avaient accepté de me parler du harcèlement psychologique initié et toléré par le bureau syndical du local 301 de l'époque. Claude Généreux, lui, avait accepté.

Il avait (diplomatiquement) critiqué le leadership des «bleus» dans cette guérilla, rare note discordante dans l'unanime camaraderie syndicale. J'ignore si c'est un hasard, mais le syndicat des cols bleus (aujourd'hui assagi, disons-le) ne l'appuie pas dans sa tentative de succéder à M. Arsenault...

J'évoque Ken Pereira, celui qui a découvert les notes de frais pharaoniques de Jocelyn Dupuis, DG de la FTQ-Construction. Pereira est allé voir les journalistes de Radio-Canada quand il a compris qu'Arsenault allait étouffer l'affaire...

«Si un Ken Pereira débarquait à votre bureau, M. Généreux...

- J'ai eu mon moment «Ken Pereira», à Ottawa, quand j'étais secrétaire-trésorier du SCFP à Ottawa. Le dénonciateur s'appelait Bob. J'ai agi. Un employé a été congédié, la police a été appelée...

- Et Bob n'a pas été mis au ban du SCFP?

- Pas du tout!»

Vérification faite, c'est vrai: en 2002, le responsable des finances du SCFP, Camille Masse, a été congédié dans une affaire de stratagème visant à blanchir des fonds utilisés dans une campagne électorale interne du syndicat. Le SCFP avait publiquement appuyé la dénonciation de Claude Généreux et de la présidente de l'époque, Judy Darcy.

La FTQ est un syndicat très puissant, on le sait. Cette puissance en fait un joueur politique. Que pense Claude Généreux de la proximité historique PQ-FTQ?

«En 1980, j'ai posé des affiches pour le OUI. Je suis toujours souverainiste. Et s'il faut être proche des employeurs dans l'optique de les influencer et de les persuader, c'est la même chose avec un gouvernement. Mais il est inadmissible que la FTQ se colle trop près de la première ministre, que son président aille souper chez elle. On n'ira pas dans le spa des uns et des autres...»

Fatima et les plantes vertes

Fatima Houda-Pepin, députée libérale, est finalement sortie de sa réserve, jeudi, pour sauter dans le débat sur la Charte des valeurs québécoises.

Enfin, non, sa lettre ouverte en forme de missile Patriot visait plutôt la périphérie du débat, où son collègue Marc Tanguay a ouvert la porte à une éventuelle et hypothétique candidate libérale portant un tchador...

Sans commenter la Charte sur le fond*, Mme HoudaPepin, seule députée musulmane à l'Assemblée nationale, a dit à Marie-France Bazzo: «La Charte, telle que rédigée, n'est pas la mienne».

La députée de La Pinière a aussi dit une des choses les plus sensées entendues en trois mois de débats parfois délirants.

«La manière dont le débat est engagé, il y a eu des dérives que je déplore. Le fait qu'on se soit attaqué à des femmes musulmanes, le fait qu'on réduise les musulmans à des intégristes, vous ne pouvez pas imaginer le dommage que ça cause. Les seuls gagnants de ce débat, en ce moment, ce sont les intégristes. Eux, leur agenda avance, nous, dans la classe politique, on est en train de se chicaner sur un foulard.»

Bref, faisons suer les barbus prêcheurs d'obscurantisme; pas les éducatrices en CPE qui portent un hidjab...

Et justement, FHP a dans ses cartons un projet de loi qui ciblerait les intégristes de tout crin. Dans un parti qui n'a pas tué dans l'oeuf l'idée d'accommoder les partisans de la charia et qui a voulu accommoder les écoles privées hassidiques, c'est sûrement effrayant...

Le PLQ tente maintenant subrepticement de faire passer Mme Houda-Pepin pour une vaine écervelée. La sortie de FHP est plutôt, selon moi, une belle manifestation d'indépendance d'esprit, doublée de courage politique.

En cette ère où triomphe sans ostentation le député-plante verte, toutes couleurs confondues - celui qu'on peut voir sur la tribune derrière son chef, opinant du bonnet sans rien dire -, ce n'est pas rien.

*Stupidement, j'ai initialement cru que Mme HoudaPepin était pour la Charte, quand la nouvelle de sa lettre est sortie, jeudi. J'ai commenté en ce sens sur Twitter. Ah, les dangers de se fier aux bruits de Twitter et aux dépêches fragmentaires. Mea-culpa.