OK, avouez-le: quand vous avez lu «la mosquée de Chicoutimi», dans les nouvelles, vous avez fait le saut. Han, quoi? Une mosquée, au coeur du pays des Bleuets, si blanc et si catho? J'avais fait le même saut de surprise que vous, il y a quelques années, peu avant de la visiter.

C'était au début de la crise des accommodements raisonnables, en janvier 2007: collectivement, nous venions de découvrir une tribu québécoise primitive (Hérouxville) et nous nous apprêtions à découvrir que l'identité québécoise post-langue peut être payante aux urnes (en mars, l'Action démocratique du Québec (ADQ) allait devenir l'opposition officielle).

La mosquée de Chicoutimi, donc. Samedi, quelqu'un y a laissé une lettre anonyme, dénonçant les "islamiques". En balançant sur le mur de l'immeuble une substance qui, selon la lettre, serait du sang de cochon, animal honni du Coran...

On pense, tout de suite, au débat sur cette charte des valeurs québécoises. Parce que la mosquée est un symbole musulman. Et que les musulmans forment le filigrane subliminal de tous nos débats d'accommodements...

Mais je ne vois pas de lien de cause à effet entre le débat inventé par les péquistes et ce geste-là. L'abruti qui est allé écoeurer la poignée de fidèles de l'islam à Chicoutimi n'est que ça, un abruti.

Pas la pointe d'un iceberg. Un bout de banquise qui s'est détaché, plutôt, et qui vogue sur l'océan de la stupidité...

Bien sûr, pour ceux qui s'opposent au Parti québécois en général et à sa charte en particulier, l'occasion est belle de faire beaucoup de kilométrage sur le dos de cet abruti anonyme.

Tenez, prenez M. Samer Majzoub, président du Forum musulman canadien, qui a déclaré à la CBC être "certain" du lien entre le geste de l'abruti et le climat politique du jour...

«Ce n'est pas une surprise pour nous. Nous nous attendons au pire», a déclaré M. Majzoub.

Contrastez les propos alarmistes de M. Majzoub avec la sérénité de Mustapha Élayoubi, président de l'Association islamique du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Sa région d'adoption est tolérante, a-t-il assuré au journal Le Quotidien. Les relations sont bonnes. Et à la CBC: "Ça ne mérite même pas une réponse.» Exactement ce qu'on m'avait dit à (et de) la mosquée, en 2007.

Il y a, dans le contraste entre les attitudes de M. Majzoub et de M. Élayoubi, quelque chose comme le symbole de l'hystérie qui entoure nos débats sur les accommodements raisonnables. Plus t'en es loin, plus tu capotes...

Je pense aux édiles d'Hérouxville, qui ont "interdit" la lapidation à sa population musulmane inexistante.

Je pense à l'ADQ de 2007 qui a exploité des cas d'accommodements essentiellement montréalais... Sans faire élire un seul député à Montréal.

Je pense à Bernard Drainville qui me disait au printemps que ses commettants de Longueuil étaient bien indisposés par un accommodement raisonnable dans Côte-des-Neiges (où ledit accommodement, sur les heures de parking, n'a pas causé de friction en trois décennies).

Et là, ce M. Majzoub qui fait la danse du bacon, lui dont le Forum musulman canadien est basé à Brossard... Pendant que M. Élayoubi reste bien zen, rue Bégin, à Saguenay.

Quant au "climat" qui entoure le débat sur la Charte des valeurs de notre terroir national, parlons-en. Je l'ai écrit mille fois: je trouve que ces cas d'accommodements raisonnables qui nous donnent de l'urticaire sont montés en épingle. Mais de l'actuel débat, peut-on vraiment dire qu'il est délétère? J'en doute, pour l'instant.

Il est forcément rugueux, on y entend parfois des mots un peu forts pour la situation. Normal, c'est ça, un débat politique. Ce n'est pas une convention des Calinours.

Toujours dans la rubrique «Plus on est loin, plus on capote», un journal Sun a colporté une (autre) chronique dégueulasse sur le Québec, samedi. Titre: «Le Québec peut apprendre des nazis». On y fait un parallèle entre la suspicion qu'entretenait Hitler envers les religions et la charte que va proposer Mme Marois...

Juste ça!

Soixante-dix ans après les horreurs du nazisme, tu te dis que les gens ont finalement compris que 99% du temps, faire entrer Hitler dans un débat politique contemporain est une bêtise qui insulte d'abord et avant tout les victimes de l'Holocauste.

Pis tu te trompes, à chaque coup: Hitler inspire toujours les pauvres d'esprit incapables de pondre une métaphore originale, quand les débats s'échauffent.

Au moins, l'abruti de Chicoutimi a eu la clairvoyance de rester anonyme, dans son forfait. L'abruti de Toronto, lui, l'a signé: Warren Kinsella.

En journalisme canadian, c'est connu: plus t'es loin du Québec, plus tu peux en dire, des niaiseries.

Synagogues, cimetières et autres lieux de culte ont aussi été la cible des vandales par le passé. Rappel de quelques cas.

Septembre 2011

Profanation de la Grande Mosquée de Québec : des messages racistes sont inscrits sur les murs.

Janvier 2011

En pleine nuit, un individu a fracassé, à l'aide de pierres, les fenêtres de cinq synagogues et d'une école juive des quartiers Côte-Saint-Luc, Hampstead et Notre-Dame-de-Grâce.

Septembre 2006

Un Montréalais d'origine algérienne a incendié une école juive de la rue Ducharme, à Outremont, et a déclenché l'année suivante un incendie au centre communautaire juif Ben-Weider, au nom de l'islam et de la haine des Juifs.

Juin 2004

Des pierres tombales sont renversées au cimetière juif de l'arrondissement de Sainte-Foy, à Québec.