Notre chroniqueur a dîné avec les trois candidats à la direction du PLQ, Philippe Couillard, Pierre Moreau et Raymond Bachand. Voici le compte rendu du deuxième repas avec un aspirant premier ministre, l'ex-ministre des Transports Pierre Moreau.

Ma première question pour Pierre Moreau, député de Châteauguay et candidat à la direction du Parti libéral du Québec (PLQ), lors de ce repas, était toute simple.

Pourquoi voulez-vous être premier ministre du Québec?

Car c'est ça, n'est-ce pas, briguer la direction d'un grand parti: croire qu'on a l'étoffe d'un premier ministre.

Réponse:

«Je ne veux pas être premier ministre, je veux être chef du Parti libéral du Québec. C'est deux choses complètement différentes. C'est un chef de parti qu'on cherche. Devenir premier ministre, c'est après, ça. C'est la population en général, pas les militants seulement, qui le décide. Et ça se décide dans une deuxième étape et la question est très pertinente parce que la course au leadership, c'est d'abord et avant tout la recherche de quelqu'un qui a une vision pour son parti, qui en fait une analyse et qui après dit - à partir de ce parti-là, qui est une très grande institution au Québec, le Parti libéral du Québec: on veut présenter à la population, éventuellement dans des élections générales, je ne sais pas quand elle va venir, une plateforme que l'on essaiera d'être la plateforme incontournable pour la majorité. Puis là, c'est les gens qui décident si on devient premier ministre du Québec. Mais si on se lance dans une course à la direction du PLQ en disant: moi, mon objectif, c'est d'être premier ministre du Québec, on manque la première marche de l'escalier. Et dans l'escalier, manquer une marche, c'est dangereux.»

Deuxième question: votre idée maîtresse, c'est quoi?

Réponse:

«De dire il faut que le parti devienne un lieu de débats - ce qui a l'air d'être un lieu commun -, mais de débats dans un contexte où il va être le reflet de la société. Au Québec, à l'heure actuelle, et j'ai beaucoup insisté là-dessus en ouverture de course, il faut faire une ouverture aux jeunes. Pourquoi? À tort ou à raison, et en partie à tort, on pense que le Parti libéral, c'est un parti de vieux, alors que le Québec vit un changement social fondamental: on passe de la génération des baby-boomers qui, bon gré mal gré, commence à quitter les postes de commande et doit passer le témoin aux générations qui suivent, les X et les Y qui vont arriver dans les postes de commande presque en même temps.

«Donc, l'idée maîtresse, c'est dire deux choses. Un, le parti doit refléter sa société. Deux, le parti doit être un endroit où se font des débats. Quand je dis que ça a l'air d'un lieu commun, c'est parce que ça a l'air facile à dire, mais un débat, dans le cadre d'un parti, qu'il soit au pouvoir ou dans l'opposition, il faut qu'il puisse être en porte-à-faux avec l'aile parlementaire, parce qu'on vit dans un système parlementaire britannique où l'aile parlementaire a comme une autonomie lorsque - particulièrement lorsque le parti forme le gouvernement - et si le parti, lui, est à la remorque de l'aile parlementaire, ce n'est plus un lieu de débats. Si on dit: «Il ne faut pas que le parti brasse trop fort, sinon le gouvernement va mal paraître», alors ce n'est plus un lieu de débats...»

Deux questions fort simples.

Deux questions qui ne comportaient aucun piège.

En guise de réponse, j'ai eu droit à un buffet de mots absolument pharaonique de la part de l'ex-ministre des Transports. Un buffet, oui, dans le sens où chacun est libre de prendre ce qu'il veut dans ces réponses et d'interpréter ce qu'il veut à sa guise, mais un buffet de manger mou. M. Moreau parle comme un homme qui marche dans un champ de mines, avec une prudence extrême qui tend à l'absurde.

J'ai beau fouiller dans mes 67 minutes d'entrevue avec lui, je ne trouve pas d'idée là-dedans qui puisse souffler dans les voiles d'un candidat à la direction. Je trouve un flot de formules banales alignées dans des paragraphes interminables: la marque d'un homme dont la principale ambition est de ne décoiffer personne, au risque d'endormir tout le monde.

Un exemple?

J'ai demandé à M. Moreau quels étaient ses modèles de premiers ministres passés, il m'a nommé Jean Lesage, René Lévesque, Lucien Bouchard, Jean Charest et Robert Bourassa. Une liste absolument et totalement safe, qui ratisse dans toutes les directions et qui ne choquera personne.

Le pire, c'est que je voulais apprécier ce candidat, qui fut un ministre habile. Dont j'ai secrètement apprécié la zénitude, quand je l'ai rudoyé à Tout le monde en parle, à la fin de 2011. Je voulais apprécier ce mouton noir de la course à la direction libérale: j'ai un faible pour les négligés. Mais je relis mes notes comme on s'enfonce dans un banc de neige au volant d'une minoune chaussée de pneus d'été.

Je lis des phrases creuses comme celle-ci: «Pour moi, la politique, ça se fait en amont de ça [de l'actualité politique], ça se fait en disant: voici les courants que moi, je veux mettre de l'avant, ça commence par les débats qu'on veut mettre de l'avant dans notre parti, ça se transforme en plateforme électorale, pis après ça, ça se transforme en projet de gouvernement, dans un discours du Trône...»

On dirait un extrait d'un manuel scolaire expliquant la vie politique aux élèves du premier cycle du secondaire. Des «débats à mettre de l'avant», je veux bien, mais lesquels?

Je fouille dans ce buffet de mots, dans ces 67 minutes de réponses touffues et professorales et...

Et je ne trouve pas.

Mais peut-être que je ne cherche pas à la bonne place. Peut-être que le candidat Moreau n'est pas là pour les idées. Peut-être qu'il est là pour se positionner.

«Si je crois que le problème, c'est les profits des banques, il faut que je m'engage dans un mouvement politique qui, à travers les institutions démocratiques, font des gestes qui vont aller dans le sens des opinions que j'ai. C'est ça, la démocratie.»

Sur la défaite du PLQ:

«On ne peut pas dire que c'est une victoire morale pour faire l'économie de l'analyse d'une défaite. Le monde nous a envoyé un message : vous n'êtes plus l'option que nous retenons pour former le gouvernement.»