Lino Zambito est accusé de crimes graves, et ce qu'il a avoué à la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics est de la même eau. Il a participé pendant des années à des escroqueries qui ont floué le public de plusieurs millions de dollars. C'est l'évidence: il ne mérite pas d'applaudissements, malgré ses confessions candides sur le canal Charbonneau TV. C'est pourtant ce à quoi il a eu droit, dimanche, chez Guy A. Lepage.

Et l'ex-grand boss d'Infrabec le sait très bien.

«Moi, je ne m'attendais pas à être applaudi, m'a-t-il dit hier. J'ai fait mon témoignage, j'ai avoué mes crimes. Mais je suis mal à l'aise, je ne suis pas un héros, une star. Je suis allé à Tout le monde en parle, je suis allé chez Paul Arcand, j'ai parlé à Fabrice [de Pierrebourg, de La Presse], j'ai parlé à Mario Dumont. Là, je te parle. Mais j'ai refusé plein d'entrevues. Après t'avoir parlé, tantôt, je m'en vais faire changer mon numéro de cellulaire, je ne veux plus me faire achaler.»

Quand on l'arrête dans la rue, dit le plus célèbre propriétaire de pizzeria de Montréal, c'est pour le féliciter de s'être mis à table. «Il faut faire la part des choses. On ne me félicite pas pour ce que j'ai fait. Personne ne me donne l'absolution.»

On a fait grand cas des applaudissements qui ont accueilli Lino Zambito sur le plateau de Tout le monde en parle. On a vu cela comme un grand nettoyage de son ardoise. Mais ces applaudissements n'ont rien à voir avec la personne de M. Zambito ni même avec ses crimes ou sa très publique rédemption.

Avant l'arrivée de chaque invité, le meneur de foule de TLMEP l'annonce au public en studio, à qui il demande de l'accueillir chaleureusement. C'est la procédure. Ça peut donner lieu, évidemment, à des quiproquos.

Un exemple: l'an dernier, j'étais sur le plateau de Tout le monde en parle, juste après l'annonce de la «patente à gosses» de Jean Charest (la version 1.0 de la commission Charbonneau, sans réels pouvoirs). La grogne publique à l'égard de cette tentative de diversion du gouvernement libéral était assourdissante. C'est Pierre Moreau qui avait été envoyé chez Guy A. Lepage pour défendre la chose.

Et juste avant l'arrivée du ministre, le meneur de foule avait demandé à l'assistance de l'accueillir chaleureusement.

Moi: «Applaudir un ministre libéral, ces jours-ci, t'es sûr? Tu devrais pas demander aux gens de se fier à leur conscience, à savoir s'ils doivent applaudir ou pas?»

Lui: «Je fais juste mon travail.»

Bref, si Lino Zambito a été applaudi, dimanche, ça n'a aucun rapport avec lui. Ça a tout à voir avec la psychologie de foule et avec le conformisme qui pèse sur l'individu dans un groupe. On te demande d'applaudir, l'invité arrive, la musique commence... Ton voisin de droite applaudit, celui de gauche aussi...

Tu fais quoi?

T'applaudis.

***

Cela dit, rendons à Lino ce qui revient à Lino.

L'homme s'est mis à table. Il a dit ce qu'il savait. Il l'a fait avec candeur. C'est assez rare, chez ceux qui ont lubrifié les rouages de ces crosses en béton armé. Ça détonne: depuis que les médias fouillent dans les vidanges des constructeurs, des ingénieurs et des politiques, très peu de protagonistes ont parlé candidement. La plupart fuient et envoient leurs avocats dire «pas de commentaires» à leur place. Voyez l'ingénieur Surprenant, qui a succédé à M. Zambito sur le plateau de France Charbonneau: il témoignerait avec un fusil sur la tempe qu'il ne serait pas plus mal à l'aise.

Lino Zambito jure que sa candeur n'a rien à voir avec un désir de réhabilitation publique. Il ne s'est pas confessé afin de photoshopper son image d'arrangeur d'élections du 450 pour celle de grand déballeur de vérités.

«Ces confessions, Lino, c'est une façon de pouvoir marcher sans honte dans la cité, non?

- Non! Pas du tout!»

Sur ce, au bout du fil, Lino Zambito confesse un autre truc: à TLMEP, on lui a offert un cachet, avant l'émission. Il en a été surpris. Choqué même, assure-t-il. «Je leur ai dit: "Envoyez ça à la Fondation de l'hôpital Sainte-Justine."»

Lino Zambito n'est donc pas en opération de relations publiques. Mais si jamais il se lasse de la pizza, il pourrait très certainement donner des conseils de relations publiques pour coquins qui doivent se refaire une image présentable.

Mirador sur la ligne 2, Lino...