Martin Caron a bien fait rire de lui, il y a quelques jours, quand TVA a révélé des miettes de son passé. Le candidat caquiste dans Lotbinière-Frontenac a déjà donné des conférences sur l'art de lire l'avenir dans des pierres, en plus d'avoir côtoyé nul autre que Richard Glenn, plus grand pusher québécois de niaiseries ésotériques des années 80.

Son adversaire libéral, le ministre Laurent Lessard, a fait les gorges chaudes en déclarant qu'il allait envoyer à M. Caron «un chargement de garnotte», afin que le caquiste tente d'y lire quelque chose...

Très drôle.

Mais M. Lessard devrait faire attention. Quand son Parti libéral du Québec dit qu'il est possible d'utiliser l'amiante - donc d'exporter l'amiante chrysotile québécois - de façon sécuritaire, c'est un flirt avec l'irrationnel à peu près aussi divorcé du réel qu'a pu l'être M. Caron, dans une autre vie.

Le cancer est un mystère. On sait comment il naît: une cellule se dérègle, puis se multiplie à l'infini, ce qui finit par créer une tumeur. Mais pourquoi cette cellule devient-elle folle? Pour la plupart des cancers, c'est un mystère. Hérédité? Alimentation? Polluants? C'est rarement clair et définitif, scientifiquement.

Mais pour une poignée de cancers, la science sait. On sait que le cancer de la peau est largement favorisé par l'exposition aux rayons UV. On sait que la cigarette est la principale responsable des cancers du poumon. Et on sait que le mésothéliome, cancer rare de la plèvre, est uniquement causé par l'exposition à l'amiante, sous toutes ses formes.

C'est pourquoi l'amiante, un peu partout en Occident, sauf dans des conditions très particulières, est un minerai honni. Et très souvent banni. Parce que malgré ses qualités comme matériau de construction, l'amiante est une merde qui cause le cancer chez ceux qui y sont exposés, principalement des travailleurs et des occupants d'immeubles où on trouve de l'amiante.

Le lobby pro-amiante, au Québec, se réjouit du prêt de 58 millions consenti par le gouvernement libéral à la mine Jeffrey, à Asbestos, pour assurer la relance de cette mine. L'essentiel de la production de cette mine est destiné à des pays en voie de développement.

En cela, le gouvernement du Québec va financer l'exportation d'un minerai qui va assurément entraîner des cancers chez les Indiens, notamment. On finance l'exportation du cancer.

La décision de Jean Charest sur l'amiante le prouve encore: la science est encore soluble dans le politique, selon les aléas électoralistes, en 2012.

Parce que le consensus scientifique est clair, limpide: l'exposition à l'amiante accroît dangereusement le risque de cancer. Tout ce qui grouille d'organisations médicales et scientifiques dans le monde en a fait la démonstration. Pour la science, le lien cancer-amiante est aussi clair que le lien réchauffement climatique-homme.

Le lobby de l'amiante s'est donc réfugié derrière un argument séduisant: oui, la fibre chrysotile est dangereuse. Mais il est possible de l'utiliser de façon sécuritaire!

Est-ce impossible d'utiliser l'amiante de façon sécuritaire?

Non. Ce n'est pas impossible.

Mais c'est très, très difficile, et c'est très, très difficile ici, dans un pays développé, où on peut imposer des normes strictes aux constructeurs et gestionnaires d'immeubles.

Imaginez dans un pays en voie de développement où ces normes ne sont pas aussi strictes...

Le gouvernement de Jean Charest a souvent fait la leçon au gouvernement fédéral, pour son inaction en matière de réchauffement climatique. Mais du strict point de vue de la science, favoriser l'exploitation et l'exportation de l'amiante, c'est aussi débile que de croire que l'homme n'a rien à voir avec le réchauffement de la planète.

Au Parti québécois (PQ), l'amiante est aussi une question délicate. On promet une commission parlementaire, pour écouter tous les arguments, une fois le PQ élu. C'est une position mitoyenne de pleutre, mais elle est très commode, électoralement: on évite ainsi d'irriter les électeurs de la région Chaudière-Appalaches, très attachés à l'amiante. Au PQ aussi, la science est soluble dans le politique.

J'ai parlé plus haut de «consensus scientifique». C'est ainsi que la science fonctionne. Une hypothèse devient une expérience, celle-ci est testée, puis ses conclusions sont soumises à l'analyse d'autres scientifiques. Peu à peu, souvent très lentement, la communauté scientifique d'un domaine donné finit par avaliser une idée. Ou l'invalider. Un consensus se forme.

J'ai dit «consensus», pas «unanimité». La science donne rarement des réponses définitives. Comme l'univers, elle est toujours en mouvement...

C'est pourquoi des filous ont beau jeu de prendre une poignée d'études - en marge du consensus scientifique - pour vous faire douter de tel ou tel consensus qui ne leur plaît pas, à eux et à leurs bailleurs de fonds. Les climato-sceptiques sont les champions mondiaux de la discipline.

En matière d'amiante, le Parti libéral a choisi le côté des charlatans. En cela, d'un point de vue scientifique, le parti de Jean Charest campe dans un quartier où on trouve les climato-sceptiques et ceux qui prétendent lire l'avenir dans la garnotte.

Un seul des trois principaux chefs a répudié l'amiante: François Legault, de la Coalition avenir Québec, hier. Bravo.