Après deux mois de manifestations étudiantes, après l'émeute de vendredi aux abords du Palais des congrès, le chef de la police de Montréal s'inquiète du climat actuel. En entrevue à La Presse, Marc Parent a vanté le travail de ses troupes dans des conditions difficiles.

Quand j'ai croisé le chef du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), hier, dans un café situé près de son bureau, rue Sainte-Catherine, il était encore sidéré par le niveau de violence de la manifestation - qui a tourné à l'émeute - de vendredi dernier.

«C'est dur de comparer, m'a dit Marc Parent. Mais depuis 20 ans, il y a eu peu d'événements de cette violence-là. Il y avait beaucoup d'agents provocateurs qui voulaient blesser et faire réagir les policiers...»

La conversation était informelle. J'ai offert au chef Parent de faire une entrevue formelle. Il a dit oui.

«Vendredi, ce qu'on a vu, c'est une manifestation étudiante légitime, qui a été piratée par des agents provocateurs. Pour eux, toutes les causes sont bonnes pour faire du trouble. C'était violent.»

Cette distinction entre manifestants étudiants et provocateurs professionnels, le SPVM l'a d'ailleurs faite publiquement et rapidement, vendredi après-midi.

Marc Parent énumère ce qui se lançait en direction des flics. Des roches, bien sûr, comme toujours, mais aussi des feux d'artifice, des écrous industriels, des fusées routières, des boules de billard. Ce genre de projectile est plus rare, dit-il, et témoigne d'une chose: «C'était super bien organisé.»

Depuis deux mois, l'espace privilégié des manifestants étudiants qui luttent contre la hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement Charest, c'est Montréal. Concrètement, c'est environ 150 «événements» que le SPVM a dû encadrer depuis 60 jours. Du jamais vu, ou presque. Des événements en tout genre: du ludique au plus corsé, en passant la manif-fleuve du 22 mars.

Le climat est explosif. Marc Parent est inquiet.

«C'est clair que le message à véhiculer, c'est un appel au calme. Pour éviter des blessures graves, il faudrait que tous dénoncent la violence et les provocateurs qui sont dans les manifestations. Certains cherchent n'importe quelle cause pour faire de la casse. Il faut que tous les leaders - étudiants, parents, artistes - fassent cet appel au calme.»

Je sais que le chef du plus grand corps de police du Québec ne veut pas s'immiscer dans l'arène politique. Mais, quand même, dis-je au chef Parent, le gouvernement du Québec qui refuse de négocier avec les étudiants, ça n'aide en rien...

«Mon appel à tous inclut tout le monde, incluant les élus», me dit-il, diplomate.

Marc Parent est allé voir les policiers du Groupe d'intervention, le «GI», vendredi soir, une fois la poussière retombée. Il était 22h30. Certains agents, dit-il, étaient en fonction depuis 5h, ce matin-là.

«Leur journée, elle a été épuisante. Il y a le lourd équipement, le stress, l'utilisation de la force physique. Je suis impressionné par leur professionnalisme. Je sais que le mot est fort, mais ils vont à la guerre, dans des événements comme vendredi. Je leur ai dit de garder le cap, qu'ils ont bien travaillé.»

Pour les agents du GI, le défi est de distinguer, dans le feu de l'action, les manifestants qui utilisent leur droit légitime de protester publiquement des agents provocateurs. «Un challenge, dit Marc Parent. Mais on a eu des messages d'étudiants qui nous remercient de faire cette distinction.»

Tout un défi, c'est vrai. Mais je fais remarquer à Marc Parent que beaucoup de gens, s'exprimant sur le web, ont été choqués par quelques images croquées lors des événements de vendredi. L'une d'elles: une jeune fille, toute menue, clouée au sol par quatre gros policiers du GI casqués.

«Je dis juste qu'il faut faire attention aux perceptions. Je sais que la photo envoie le message d'une intervention musclée. Mais quand une arrestation dégénère, c'est souvent à un contre un. À deux, c'est mieux. À trois, c'est encore mieux: on peut maîtriser la personne encore plus doucement et rapidement.»

Je relate à Marc Parent un truc dont on me parle souvent pour parler des coups fourrés que peut faire la police, dans une manif légitime: Montebello, en 2007, quand des agents de la SQ «déguisés» en manifestants, roches à la main, avaient été démasqués par la foule...

On n'est vraiment pas, dit Marc Parent, dans ce mode-là.

Donc, un agent du SPVM déguisé en manifestant, roche à la main, dans une manif, c'est impossible...

Jamais.