De n'importe qui d'autre, faire des blagues sur l'envoi d'étudiants protestataires dans le Nord aurait pu être drôle. Mais Jean Charest n'est pas n'importe qui. C'est le premier ministre du Québec.

Quand les rues de Montréal et les campus du Québec deviennent des lieux d'affrontements brutaux entre profs et étudiants, d'un bord, et de flics et de gardiens de sécurité, de l'autre, quand le sang gicle et que la propriété est vandalisée, on s'attend du premier ministre à mieux qu'une mauvaise caricature des Justiciers Masqués.

On dira que les blagues du PM - «ceux qui (frappent) à notre porte, on pourra leur offrir un emploi, dans le Nord, autant que possible» - ont été dites alors que les gens dans la salle ignoraient peut-être l'ampleur de la casse, dehors. Peut-être.

Mais ça fait deux mois que les étudiants manifestent. Ça fait deux mois que les étudiants ne sont pas dignes, contrairement aux capitaines d'industrie présents au Palais des congrès, d'être entendus par le gouvernement de Jean Charest. Depuis une semaine, les troubles se sont amplifiés. Le premier ministre ne peut pas ignorer ça.

Dans les médias sociaux, la grogne a été instantanée. «Jean Charest» est soudainement devenu une tendance sur Twitter. Dixit la commentatrice Lise Ravary, Jean Charest a frappé son «moment Oasis», faisant référence au tsunami Twitter/Facebook qui a englouti l'arrogance des jus de Lassonde, le week-end de Pâques.

Le contexte ajoutait au malaise. Avec qui Jean Charest rigolait-il? Avec l'élite du monde des affaires. On aurait dit, en entendant les rires gras de la salle, que ce qui se passe au Québec depuis quelque temps n'est qu'un phénomène artificiel auquel il ne faut qu'opposer le mépris.

On aurait dit que ce qui passe hors de la bulle politico-corporative n'est pas important. Difficile de projeter l'image d'une clique plus déconnectée de la rue.

Le plus consternant, c'est que pour tous ses travers, le premier ministre n'a pas l'habitude, hors de l'Assemblée nationale, de traiter des Québécois avec ce mépris. Il est plus habile.

Est-il fatigué? Usé?

La bourde d'hier donne cette impression. Elle met des mots et des images sur cette odeur qui émane de Québec depuis plusieurs mois: celle d'une fin de régime.