Le mésothéliome est un cancer rare, virulent et incurable. On ne lui connaît pas d'autre cause que celle-ci : l'exposotion à de la fibre d'amiante. Les travailleurs des mines d'amiante ont été frappés par ce type de cancer. Beaucoup d'ouvriers de la construction aussi, exposés à ce matériau lors de travaux.

C'est pourquoi l'utilisation de l'amiante a été interdite un peu partout dans le monde industrialisé depuis 30 ans. C'est pourquoi on «décontamine» progressivement de vieux édifices en remplaçant l'amiante contenu tant dans les planchers que dans les conduites d'eau.

Mais comme le rapporte ces jours-ci Charles Côté dans La Presse, l'amiante est encore dans nos vies. Nombre d'édifices ne sont pas encore décontaminés.

Résultat: les victimes du mésothéliome ne sont plus seulement des mineurs et des gars de construction. Il y a aussi des femmes comme Diane Turcotte, qui exerçait un métier qui n'avait rien à voir avec l'amiante: elle travaillait dans la cafétéria d'une école secondaire...

Après trois ans de bataille devant la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), la famille de Mme Turcotte a eu gain de cause: l'amiante a été reconnu comme étant la cause de sa mort.

Comment Mme Turcotte est-elle entrée en contact avec des particules d'amiante? On l'ignore. Un classique: des travaux de rénovation libèrent des particules d'amiante, qui se retrouvent dans l'air. Un autre: de vieux équipements se délitent, libérant d'autres particules.

Qu'il y ait encore de l'amiante dans des centaines d'édifices au Québec n'est guère surprenant: ce matériau a été immensément populaire pendant tout le XXe siècle. La tâche de décontamination est titanesque.

Ce qui est surprenant, c'est que nous n'ayons pas le droit de savoir quels sont ces immeubles. Pour le seul secteur public, il y aurait des centaines d'édifices comptant encore des composants d'amiante. Mais la liste est secrète.

Un secret absurde: l'Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) a confié à une équipe de la faculté de médecine de l'Université de Montréal la tâche d'établir un registre des immeubles publics contenant de l'amiante. Dans une étude publiée en 2008, on a ainsi pu savoir que pas moins de 1550 immeubles contiennent de l'amiante.

Lesquels? Vous ne le saurez pas: «La liste appartient à l'Université de Montréal, selon la porte-parole de l'INSPQ. Les chercheurs ont obtenu ces renseignements sous le sceau de la confidentialité.»

Permettez que je résume...

L'INSPQ est une bibitte publique, payée par tous les Québécois...

La liste identifie des édifices publics - hôpitaux, écoles, édifices municipaux, etc. -, (souvent) payés par tous les Québécois...

L'enquête a été rendue possible par l'argent de l'INSPQ, financé par tous les Québécois. L'enquête a été menée par un groupe de l'Université de Montréal, autre créature financée par tous les Québécois...

Il n'y a ici que des organismes publics qui ont l'attitude d'une entreprise privée invoquant le prétexte du secret industriel pour ne pas avoir à dévoiler des informations gênantes. C'est l'État qui cache des choses à l'État!

Lui aussi payé par tous les Québécois, Martin Roy, porte-parole de la Société immobilière du Québec (SIQ), gestionnaire des immeubles de l'État, a pourtant déclaré ceci à La Presse: «En aucun cas, il n'y a de risques pour les occupants.»

C'est d'un cynisme morbide: Diane Turcotte, si elle était encore de ce monde, ne serait évidemment pas d'accord. Et, a noté Charles Côté hier, le nombre de cas de mésothéliome est en hausse au Québec.

Traduction: il y a de plus en plus de gens qui respirent à leur insu de plus en plus de particules d'amiante.

Être paranoïaque, je dirais que le secret est très commode pour l'État. Le secret sert qui? Le secret ne sert pas les malades.

Si la liste des immeubles publics était révélée, peut-être que de plus en plus de gens frappés par le mésothéliome seraient tentés de faire un lien entre un ancien lieu de travail et la maladie qui les ronge. Et de chercher un dédommagement.

Ce qui coûterait cher à beaucoup d'organes de l'État, n'est-ce pas...

À ce sujet, voyez le commentaire révélateur de la porte-parole de la Commission scolaire au Coeur-des-Vallées, commentant la décision de la CSST dans la mort de son ancienne employée Diane Turcotte: «On va faire face aux augmentations de primes de la CSST.»