«Mon frère était un homme de parole. Quand il disait quelque chose, il le faisait. Et il m'avait dit que les enfants ne retourneraient jamais à Montréal.»

Au bout du fil, Nenad Perisic, frère jumeau de Predrag, me raconte la relation tumultueuse de son frère avec Vera Vucerakovich, la mère de ses deux enfants, qu'il a criblés de balles, lundi, près de Houston.

On connaît la suite: Deyan, 10 ans, est mort. Danyela, 12 ans, a survécu.

Nenad, Serbe d'origine, né à Belgrade, s'est établi au Texas il y a 25 ans. En 2007, il a accueilli son frère, Predrag, dans sa maison de la rue Desert Run Drive, à La Porte, près de Houston. À Montréal, Predrag vivotait. Il ne parlait pas français. C'était, selon lui, un obstacle à son éclosion professionnelle.

Finalement, en 2009, Vera, Deyan et Danyela ont quitté Montréal pour le Texas, «après deux ans de promesses de Vera», dit Nenad. Mais la relation tumultueuse de Vera et Predrag, qui s'étaient mariés en 1999, les a rattrapés à La Porte. Engueulades, empoignades, cris, injures et visites de la police ont ponctué la vie des époux, sur Desert Run Drive.

Entre août 2009 et janvier 2010, la police de La Porte a visité deux fois la maison de Nenad Perisic, pour intervenir dans des disputes. Jamais Vera n'a appelé la police, jamais Predrag n'a été arrêté pour violence conjugale, notait la juge Hélène Lebel, de la Cour supérieure du Québec, qui s'est penchée sur la dispute entre les époux.

«C'était une ivrogne, qui criait après les enfants, qui démolissait le mobilier! relate Nenad Perisic. La nuit du Nouvel An, elle est devenue folle. Elle m'a agressé, m'a cassé une côte. J'ai dû appeler la police. Le lendemain, elle a kidnappé les enfants, s'est sauvée à Montréal.»

Nenad déteste tellement sa belle-soeur qu'il n'a pas hésité une seconde, hier, à m'envoyer une photo de Vera, apparemment ivre morte, évachée dans le divan de son salon texan, dans une position peu flatteuse. Pour Nenad, tout est la faute de Vera. C'est elle qui a rendu son frère fou, avec son comportement, ses excès, dit-il.

Mais la décision de la juge Lebel brosse un portrait plus nuancé de la relation entre Vera et Predrag: chacun commettait des excès, chacun portait des coups, chacun lançait des injures, à Montréal et à La Porte. Devant les enfants, écrivait la juge.

* * *

Le 26 octobre, quand un tribunal québécois a statué que les enfants devaient revenir au Québec, «Predrag a eu un black-out», me dit son frère. Il a disparu avec Danyela et Deyan. «On ne savait pas où il était. Je croyais qu'il s'était sauvé en Californie, où il avait travaillé, il y a longtemps.»

On connaît la suite. Retracé par la police à Coldspring, Predrag savait que les agents venaient l'arrêter et prendre ses enfants. Il aurait tiré sur la chair de sa chair alors que la police venait d'investir la maison où il se terrait.

Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête d'un homme pour qu'il décide de tirer sur ses enfants. Je sais qu'il n'y a pas d'excuses, pas de circonstances atténuantes.

Mais il y a un contexte, celui de ces disputes familiales. Dans les articles de 500 mots, dans les topos de 90 secondes, il est difficile de décrire l'extrême toxicité du climat, entre deux personnes impliquées dans une relation où s'immiscent flics, juges et avocats.

C'est seulement quand on plonge dans les documents de cour et quand on parle aux proches qu'on peut saisir la volatilité de l'atmosphère. Qu'on peut saisir les contours de la folie qui embrase les protagonistes, qu'on voit qu'il ne faut qu'une étincelle pour tout faire exploser.

Une étincelle. Ou, disons, l'accès à un gun...

Où Predrag Perisic a-t-il trouvé une arme? Son frère jumeau ne le sait pas.

«Je ne l'avais jamais vu avec une arme. Mais ici, au Texas, on peut acheter un fusil comme vous allez acheter du lait, à Montréal.»