On dira que c'est la faute des maîtres. On dira que c'est la faute de la mère, qui n'aurait pas dû laisser son enfant seul avec deux chiens dans la maison. Sur le plancher, en plus! On dira que c'est la faute des huskies, des chiens imprévisibles, ai-je lu quelque part. On dira tout ça sans admettre que le drame de Saint-Barnabé-Sud n'est qu'un accident. Un bête, tragique, triste accident.

À une époque, j'ai souvent écrit sur la sécurité routière. Et sur la nécessité, dans cette province, d'instaurer un système de radars photo à grande échelle. Chaque fois, je me faisais dire la même chose par des lecteurs qui bougonnaient: des accidents, ça arrive.

Ça arrive, c'est vrai. Mais quand la route tue 700 personnes annuellement et que nos taux de mortalité routière, sans parler des blessures, sont plus élevés que ceux de pays où on prend la sécurité routière au sérieux, on a besoin de solutions systémiques. Parce que, mis bout à bout, ces accidents révèlent une faille systémique.

Sauf que, ici, le «problème» des chiens qui tuent des gens fait entre un et trois morts par année au Québec. Il n'y a pas dans les relations chiens-humains de faille systémique qui tue un nombre exagéré de Québécois.

Il y a eu un accident. Ça arrive. Dans ce cas-là, bêtement, tragiquement, tristement, c'est peut-être la seule chose à dire: ça arrive.

Je vous dis ça et je comprends que la Couronne ait porté des accusations. Un enfant de 21 jours est mort. Je trouve qu'«homicide involontaire», c'est l'équivalent d'un missile Hellfire.

Peut-être qu'un tir de semonce, du genre négligence criminelle, aurait suffi. Mais je comprends, à la fin, qu'une accusation soit portée.

Parce que c'est grave. Et que même si on sympathise, même si on se sent hyper-mal pour la mère, reste que son enfant est mort parce qu'elle n'a pas eu la présence d'esprit de penser que de laisser un poupon de 21 jours seul dans la maison à hauteur de museau de deux chiens peut avoir des conséquences.

L'histoire rappelle un autre drame, survenu en 2003, impliquant un enfant et un parent accusé d'homicide involontaire: le père avait oublié sa fille, toute la journée, dans sa voiture, au grand soleil. L'enfant est morte. Le père avait été accusé de négligence criminelle. Puis, plus tard, les accusations avaient été retirées.

C'est le même scénario, ou presque, à Saint-Barnabé-Sud. Un enfant mis en danger par un parent qui n'avait à première vue aucune intention criminelle. Un drame attribuable à un moment d'inattention.

Mais un drame que la société ne peut pas vraiment laisser passer sans rien dire. D'où l'accusation. Qui est, plus tard, abandonnée.

J'espère que la mère de l'enfant de 21 jours, à moins qu'on n'apprenne des faits aggravants, verra le même genre de dénouement à son cas. Parce que sa peine, la pire qui soit, elle va la purger pour le reste de ses jours.