C'est le détail marquant de ce fait divers. L'âge de l'accusé. Seize ans. Peut-être plus que le nombre de coups de couteau (une trentaine) que l'adolescent est accusé d'avoir assénés à sa victime, Dany Ouellette, 24 ans.

Les jeunes et le crime: de tout temps, c'est un cocktail qui a fait peur aux gens. Les jeunes violents: voilà un problème contemporain. Tenez, l'extrait d'un éditorial sur la question: «La tragédie de notre époque, c'est la violence des jeunes!»

 

C'était écrit dans un journal torontois. En 1937!

C'est le psychiatre Louis Morissette qui m'a sorti cette citation, pour illustrer à quel point le «problème» de la violence des jeunes est à l'ordre du jour, depuis des décennies. Sauf que ce n'est pas vrai, dit-il. Les adolescents, au Canada et au Québec, ne tuent pas plus que les autres groupes d'âge. Ils ne tuent pas plus qu'avant.

«Un meurtre commis par un adolescent, c'est toujours spectaculaire, dit-il. Mais les jeunes, bon an, mal an, sont impliqués dans de trois à six meurtres par année au Québec; entre 40 et 60 par année au Canada. C'est constant. Il n'y a pas de hausse. Il n'y a pas de tendance.»

(Avant d'aller plus loin: oui, il s'agit bien du Dr Morissette qui s'est mis dans l'embarras en témoignant comme expert pour la défense de Francis Proulx, il y a un an. En faisant des recherches pour ce papier, on me l'a quand même cité comme étant LA référence québécoise en matière de statistiques sur les adolescents tueurs.)

Le meurtre commis par un adolescent se divise en deux grandes catégories, note le psychiatre. Celui commis dans la foulée d'un épisode attribuable à une maladie mentale. Autour de 5% des meurtres commis par un jeune, 10% au gros maximum. Et les autres circonstances, qui se répartissent également en deux catégories: le meurtre de relation spécifique (frère, petite amie, père, etc.) et le meurtre commis dans le cadre d'un autre délit (vol, viol, etc.).

«Pour les jeunes, comme pour le reste des crimes, il y a eu une hausse marquée de 1955 à 1995, dit le psychiatre. Mais depuis, la criminalité est en baisse. Ce qui change, c'est la perception. Les gens ont l'impression qu'il y a plus de criminalité dans la société.»

Le meurtre de Dany Ouellette est une tragédie qui aurait sans doute fait les manchettes même si son agresseur présumé était un adulte. Mais parce que c'est un jeune de 16 ans qui est accusé de l'avoir tué, l'affaire trouve beaucoup plus d'écho, croit Louis Morissette.

«Ça frappe l'imaginaire, c'est plus médiatisé», me dit-il en me citant un autre article de journal qui déplore la violence des jeunes, dans le cas d'une jeune Française accusée d'avoir tué une femme en... 1880.

Au bar où Dany Ouellette et son agresseur présumé se seraient battus, hier, rien à signaler. Peu de clients, peu bavards. Un bar de quartier comme un autre, avec son décor brun et ses terminaux de loterie vidéo. Ce bar-là est flanqué d'un autre, où des danseuses exotiques offrent des performances. Pas de spectacles, hier, en début de soirée.

Dehors, sur un poteau, quelqu'un avait attaché un bouquet de fleurs, entre le bar et le parking où Dany Ouellette a été poignardé.