Eh, misère. Pauvre Sylvie Roy.

Jeudi dernier, la chef intérimaire de l'ADQ a lancé un cocktail Molotov dans une Assemblée nationale déjà survoltée par toutes ces histoires de magouilles municipales, juste avant les révélations de Benoit Labonté à Radio-Canada, en soirée.

Sa bombe a pris la forme d'une question au ministre Jacques Dupuis: «Est-ce que le ministre de la Sécurité publique, dans ses vérifications, a appris que le premier ministre sait qu'il y a trois ministres qui ont été sur le bateau d'Accurso?»

 

Notez le caractère affirmatif de la question de Sylvie Roy: «a appris», «sait», «ont été».

C'est une question, c'est vrai, juste une question. Mais il faut être innocent pour penser que c'était une question innocente. C'était une affirmation. C'était une accusation.

On connaît la suite: c'est le premier ministre qui s'est levé pour répondre. Il a demandé à Mme Roy de nommer ces ministres. Réponse de la députée de Lotbinière: si vous voulez le savoir, convoquez une commission publique...

Plus tard, le premier ministre lui-même a déclaré à Radio-Canada que des vérifications avaient été faites auprès de trois ministres - Julie Boulet, Norm MacMillan et David Whissell -, il y a quelques mois. Et que ceux-ci ont dit à son chef de cabinet n'être jamais allés se prélasser sur le yacht de M. Accurso.

Dans les circonstances actuelles, on ne blâmera personne de croire que trois ministres de Jean Charest sont allés voguer avec M. Accurso. Et puis, on se dit, c'est une députée qui lance ça, elle ne le fait pas sans raison, en pleine Assemblée nationale, en direct à RDI, elle doit être appuyée sur des faits en béton...

Sauf que vendredi matin, elle a été interviewée par Paul Arcand, au 98,5 FM. Un moment d'anthologie, en matière d'aveu d'incompétence. Arcand, en bon journaliste, ne veut pas savoir qui sont les sources de Mme Roy. Mais il est curieux de savoir ce que ces sources ont dit à Mme Roy. Il veut savoir quels détails ont poussé l'ADQ à croire que, oui, trois ministres ont bel et bien séjourné sur le bateau de Tony Accurso...

Arcand: Quand est-ce qu'ils sont allés sur le bateau? On vous l'a dit?

Roy: Non.

Arcand: Sont-ils allés ensemble?

Roy: Non. Ça va pas jusque dans ces détails...

L'animateur fait alors remarquer à Sylvie Roy que quand des sources viennent lui raconter des histoires, il leur pose un certain nombre de questions. Où, quand, comment, pourquoi? Les journalistes font ça. L'idée, bien sûr, étant d'avoir le maximum de détails pour fouiller et confronter les protagonistes d'une histoire...

Par exemple, si vous venez me voir pour me dire que X a séjourné sur le yacht de Y. Je vais vous demander comment vous le savez. Si vous avez des preuves. C'était quand. Juste avec le «quand», on peut vérifier des choses. Si, en vérifiant, je vois que X était dans un souper spaghetti à Saint-Clin-Clin, disons que la «source» commence à souffrir d'un déficit de crédibilité...

Mais si une masse de détails convergent et se recoupent, par exemple, voici une source intéressante...

Mais apparemment, Sylvie Roy n'a rien fait de tout cela. Voyez sa réponse, quand Paul Arcand lui demande si elle a, justement, posé ces questions aux sources: «Non. Pour la suite des choses, je vais continuer mon enquête.»

Donc, Mme Roy a lancé ces allégations sans avoir convenablement fait un débriefing de ses «sources» ? Elle «continue» son enquête?

C'est d'une bêtise hallucinante. La mèche du cocktail Molotov était donc faite de rumeurs? Eh ben! Mme Roy, j'ai entendu dire que Guy Laliberté n'est pas vraiment allé dans l'espace. Je vous invite à poser une question à ce sujet en Chambre, demain...

Ce n'est pas la première fois que Sylvie Roy est certaine de ses approximations, remarquez. En 2007, elle avait déclaré qu'il y avait au Québec un délinquant sexuel sur 3300 personnes. Citation magique: «J'ai trouvé que c'était beaucoup.»

Beaucoup plus qu'en Ontario?

Beaucoup plus qu'aux États-Unis?

Beaucoup plus qu'en Occident?

Beaucoup plus que dans les contes de fées?

Non, juste beaucoup.

Pathétique.

Bonne chance, M. Taillon.

Modestie canadienne

Lue dans Le Nouvel Observateur, la critique d'un roman espagnol, Le sommeil du caïman. Le critique, en deux lignes, règle le cas du plusse-meilleur pays au monde: «Le narrateur du Sommeil du caïman vit au Canada. Autrement dit, nulle part.»

L'euphémisme de l'année

Fut une époque où, quand tu mourais, eh bien, tu mourais. C'était fini. Aujourd'hui, on meurt, mais c'est pas vraiment fini: notre page Facebook survit, elle. Pas de farces, je connais deux personnes mortes qui, selon Facebook, sont encore mes «amis».

Donc, leçon pour notre temps: avant de mettre votre statut à jour, demandez-vous si vous êtes prêt à vivre avec ces mots comme étant vos derniers...

Facebook offre désormais un formulaire pour qu'on puisse lui signaler le décès d'un membre. La page du trépassé est alors transformée en cénotaphe virtuel, accessible uniquement par les amis (vivants). Un boss de Facebook, Max Kelly, a expliqué la mesure par cette question rhétorique absolument lumineuse: «Mais comment interagir avec quelqu'un qui n'est plus capable de se brancher?»

En effet, mon Max, comment?