C'est l'histoire d'un employeur qui mène une guerre contre certains de ses employés. Il lance un mot d'ordre : interdiction de parler à certaines employées. Il invente une histoire de vol pour accabler un autre travailleur, qui refuse de suivre le mot d'ordre.

Ça s'appelle du harcèlement psychologique.

C'est vieux comme le monde, bien sûr. Mais les tribunaux du travail, de plus en plus, sanctionnent ces comportements, qui peuvent pousser à la dépression, notamment.

La Commission des lésions professionnelles (CLP), organe d'appel de la CSST, vient de rendre une décision lapidaire contre un employeur dans le cas que je décris ci-haut.

Le hic, c'est que l'employeur en question est un syndicat. La section locale 301 du SCFP : le syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal.

Autre hic : c'est la seconde fois en neuf mois que la CLP rend une décision lapidaire contre le syndicat présidé par Michel Parent, pour des affaires de harcèlement psychologique.

La première fois, c'était à la fin de 2008. La CLP avait maintenu une décision de la CSST : Daniel Andrews, employé du syndicat, avait bel et bien subi une lésion professionnelle attribuable à un intense harcèlement psychologique de la part de ses patrons et camarades à la permanence de la section locale 301, avenue Papineau.

Daniel Andrews était coupable d'hérésie : il s'était rallié à une équipe politique défiant la domination de l'Équipe Unité, dirigée l'ex-président Jean Lapierre et son successeur, Michel Parent.

L'Équipe Unité, fondée par Lapierre, dirige, depuis des décennies, les destinées du 301. En fait, le 301, c'est l'Équipe Unité. Et vice-versa.

Pour détruire Andrews, Jean Lapierre l'a fait enregistrer à son insu. Il a fait jouer cet enregistrement devant 200 cols bleus. Puis, il a révélé des pans extrêmement intimes de la vie personnelle de son ancien compagnon de route. J'ai chroniqué là-dessus en février.

Or, un nouveau jugement de la CLP vient de tomber, encore une fois au sujet du syndicat des cols bleus et de deux employés qui se plaignaient d'avoir été harcelés.

Encore une fois, le syndicat-boss de Michel Parent a été blâmé. En termes très durs.

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Jean-Luc Pagé est un compagnon de route de Jean Lapierre, le bouillant chef historique du 301. Il a contribué à fonder l'Équipe Unité. Puis, autour de 2004, les employées de bureau du syndicat se sont rebiffées contre leur employeur.

Entre le boss-syndicat et ses salariées, ça brasse.

Il y a un mot d'ordre des chefs du 301 : cessez de parler aux employées rebelles.

Jean-Luc Pagé refuse. Il est directeur du Programme d'aide aux employés. Il continue à parler aux femmes ciblées par ce traitement. Pour lui, c'est du harcèlement. Pas question d'y participer.

Parallèlement, comme Daniel Andrews, il décide de militer dans une équipe qui, en prévision des élections de 2006, défiera l'Équipe Unité.

Mal lui en prit.

Pagé s'est fait menacer de se faire casser la gueule. On lui a ordonné de prendre sa retraite, sans quoi un «dossier» l'accusant de vol d'argent et de documents confidentiels d'employés en difficulté serait révélé.

Son adjointe au PAE, Lise Lachapelle, a aussi subi sa part d'intimidation.

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La juge Di Pasquale est impitoyable pour le leadership syndical des cols bleus, dans cette décision.

Elle s'étonne que les employées ciblées par le boycottage aient dû, pour calmer le jeu, rédiger des lettres d'excuses adressées à Jean Lapierre, qu'elles accusaient de harcèlement psychologique : «Ces lettres ne font que confirmer l'état pitoyable des relations du travail à cette époque. On reprochait aux employés d'avoir exercé leurs droits. Est-il nécessaire d'en dire plus?»

Se basant sur les témoignages entendus, elle décrit aussi un climat malsain, avalisé par M. Parent : «(Pagé) entend des remarques injurieuses à son égard de plusieurs employés. Même la personne qui s'occupe du ménage lui profère des mots peu élogieux. En somme, il est ignoré par les cols bleus et victime d'intimidation par les "hommes de main" du syndicat.»

Elle affirme que, même si le président Michel Parent nie avoir donné le mot d'ordre de ne pas parler aux employées, «la preuve révèle très clairement le contraire». Puis, plus loin, la juge ajoute que ce mot d'ordre est une «incitation» au harcèlement psychologique. Et cela, écrit-elle, «est inacceptable.»

J'ai appelé Michel Parent pour avoir ses commentaires. Je le cite : «La CLP a donné raison à des Bougon syndicaux. La CLP a entendu des versions romancées. J'ai vécu ça à l'interne et ce n'était comme pas ça. Ceux qui disent avoir fait des dépressions ne me feront pas brailler. Ils seraient très bons dans des pièces de théâtre.»

Pas d'excuses, pas de remords.

Pas grave : pour la CLP, c'est limpide : Lise Lachapelle et Jean-Luc Pagé ont été victimes de harcèlement psychologique.

C'est pourquoi la juge Di Pasquale a infirmé la décision de la CSST dans leur cas : ils ont bel et bien été victimes d'une lésion professionnelle causée par leurs camarades du syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal.

D'autres aspects de cette décision sont troublants. J'y reviendrai.

Au son du bip...

Gilles Audette est le bras droit du boss de la FTQ, Michel Arsenault. Ce soir, l'émission Enquête de Radio-Canada diffusera des propos de M. Audette, enregistrés à son insu par le syndicaliste Ken Pereira.

M. Audette a tenté d'empêcher la diffusion du reportage, invoquant la violation de sa vie privée. La Cour supérieure a rejeté sa demande d'injonction, hier.

C'est une requête qui m'a fait bien rire. Depuis 2006, j'ai écrit plusieurs histoires sur la guerre civile qui a déchiré les camarades du syndicat des cols bleus de la Ville de Montréal. Une constante, dans ces chroniques : le recours, par MM. Lapierre et Parent, à des enregistrements secrets pour abattre leurs ennemis.

Or, le syndicat des cols bleus est lié à quelle centrale syndicale?

Eh oui : à la FTQ.

Or, jamais la FTQ n'a osé commenter ces méthodes chez les «bleus». Encore moins les dénoncer.

Et là, ça va pleurnicher en cour exactement pour ça! À quel mot je pense, donc? Ah, oui, voilà : faux cul.