Voyons voir. Depuis trois ans, j'ai sacrifié à l'autel de la sécurité aérienne au moins une bouteille de shampoing, un tube d'après-rasage et une bouteille de parfum.

Tous coupables, ces contenants, d'excéder 100 millilitres.

Ah, j'oubliais: une bouteille de Pinot noir israélien, achetée à l'aéroport Ben-Gourion de Tel-Aviv, en janvier. J'ai pu l'amener à bord puis, à l'escale, on l'a dûment confisquée à Schipol, aux Pays-Bas.

 

Ce fut la confiscation la plus douloureuse de toutes...

Depuis trois ans, vous le savez, plus moyen d'apporter à bord d'un avion, sur soi, des contenants de plus de 100 millilitres de gel et de liquide.

Il y a trois ans, la police britannique a arrêté huit types qui, selon son enquête, planifiaient de faire exploser sept avions en partance de Londres pour l'Amérique du Nord, en plein vol, au-dessus de l'Atlantique.

Sept vols, trois compagnies aériennes (United Airlines, American Airlines et Air Canada) à destination de six villes (San Francisco, Chicago, New York, Washington, Toronto et Montréal).

Dans ce cauchemar aérien, nul besoin de prendre d'assaut le cockpit pour détourner les Boeing et les Airbus. Seul objectif: un trou dans le fuselage des avions, pour provoquer une décompression explosive fatale.

Comment?

Avec des bombes artisanales, à base de peroxyde liquide et de piles AA. Si le plan des islamistes britanniques avait fonctionné, quelque 1500 personnes auraient été tuées.

Lundi, la justice britannique a déclaré coupables trois salopards qui ont trempé dans le complot.

* * *

Quand Scotland Yard et le MI5 de Sa Majesté ont appréhendé les huit suspects, au terme d'une des plus grandes enquêtes depuis la Seconde Guerre mondiale, ceux-ci n'ont pas été traités comme des «combattants ennemis».

Ils n'ont pas été envoyés dans une prison secrète pour y être torturés.

Ils ont été traités comme des suspects d'actes criminels. Ni plus ni moins. On ne leur a pas fait l'honneur de les traiter différemment de tueurs en série ou de chefs de gangs de motards.

On les a emprisonnés, en attendant les procès (le premier procès s'est conclu sur un non-lieu). Ils ont eu droit à des avocats. Ils ont été bien traités. Personne n'a menacé de violer leurs épouses ou de tuer leurs enfants.

Pas de prisons secrètes, pas de simulation de noyade, pas de lois brisées, pas de pacte avec le diable. Ça, c'est l'approche américaine, tacitement approuvée par l'actuel gouvernement canadien.

L'approche britannique est old-fashioned. On enquête. On met le fric nécessaire pour financer les équipes de filature, faire de l'écoute électronique. On amasse de la preuve. On présente le tout devant un tribunal, publiquement.

Et, si la preuve est assez solide, si la police a fait sa job, un jury envoie des salopards en prison. Puis, un juge détermine une peine de prison.

C'est ce qui est arrivé à Londres, lundi.

Le mot-clé, dans toute cette affaire?

Police.

* * *

Allez sur l'internet, si vous avez quelques minutes, lire les comptes rendus du procès qui a mené à la condamnation de ces trois islamistes britanniques. Le cliché serait de dire que c'est du stuff de James Bond. Pas vrai. On parle ici de travail de police.

C'est la police, le travail de police, avec ce que cela comporte de ressources, d'indices, de pistes, de filatures, d'heures perdues à suivre des suspects, d'assommantes nuits d'écoute électronique, de relations avec des informateurs, qui finit par combattre les terroristes.

Pas des soldats.

Les Britanniques ont compris cela il y a longtemps. Peut-être que ça vient de ces années sanglantes à combattre les poseurs de bombes irlandais.

Je sais bien qu'ils ont été de l'aventure irakienne. Je sais bien que les Britanniques sont encore en Afghanistan. Deux invasions au nom de la stupide «guerre» au terrorisme.

Mais ils ont été parmi les premiers à quitter l'Irak. Ils sont candides, depuis longtemps, sur les chances minces de «succès» en Afghanistan.

Mais ils ont été les premiers à dire qu'on ne peut pas faire la «guerre» au terrorisme. En 2006, les officiels britanniques ont cessé de parler de «guerre au terrorisme». En janvier 2009, le secrétaire d'État aux Affaires étrangères a publiquement répudié le terme et l'esprit de la «guerre» contre la terreur.

«Les démocraties doivent répondre au terrorisme en favorisant la règle du droit, pas en l'écrasant», a expliqué David Miliband, dans une déclaration célèbre, juste avant le départ de Bush de la Maison-Blanche, faite en début d'année.

* * *

Ces condamnations sont formidables. Car elles nous rappellent deux trucs tout simples.

Un, ce sont les outils existants (police, renseignement, tribunaux) qui peuvent combattre les terroristes (je n'ai pas dit le terrorisme) le plus efficacement, dans une société ouverte. Pas les bazookas de soldats qu'on envoie mener des combats de guérillas dans des contrées lointaines, désertiques et montagneuses.

Deux, pas besoin de devenir un monstre, de pervertir nos fameuses et proverbiales valeurs occidentales, pour combattre des monstres. On peut très bien gagner sans vendre son âme à des bourreaux. Sans un goulag à Cuba, non plus.

Pour joindre notre chroniqueur: plagace@lapresse.ca