Je hais la F1 comme je haïssais tout le tape-à-l'oeil, tout le safari de vedettes (Sylvester Stallone est à Montréal!) qui l'accompagnait quand le cirque de Bernie Ecclestone venait à Montréal au mois de juin.

Alors quand le grand magnat de la Formule 1 a décidé de bouder Montréal en faveur de richissimes marchés asiatiques et moyen-orientaux, je me suis dit, comme bien d'autres: Good riddance, Bernie! Bon débarras!

Et j'ai applaudi à deux mains quand, sous couvert de saine gestion, nos élus ont refusé de jouer le jeu des enchères avec le Britannique, qui exigeait toujours plus de dollars pour faire un arrêt à Montréal. Il y a une limite à jouer au fou.

Et puis, hein, Montréal, c'est une grande ville, elle existait avant le Grand Prix de F1, elle existera après la fin de ces courses chromées qui servent à ploguer les grandes marques de la consommation mondiale...

C'est ce que je me suis dit quand le Grand Prix est mort.

Ah, il y a aussi le fait que j'étais un peu tanné de la couverture médiatique complètement délirante qu'on donnait à cette manifestation. Non, pas vrai : je peux vivre avec le délire, avec les pages et les pages et les couvertures en direct de la rue Crescent...

Non, c'est la répétition qui me tuait à petit feu chaque année, le retour des protagonistes des à-côtés de la course. Chaque année, on avait droit aux mêmes histoires de danseuses-qui-font-donc-beaucoup-d'argent, des-familles-ébahies-devant-les-Ferrari-exposées-rue-Peel, des-serveuses-qui-ont-reçu-2000 $-de-pourboire-de-l'équipe-William-dans-le-resto-Branché, du-millionnaire-californien-qui-a-acheté-LA-bouteille-à-5000 $-dans-le-restaurant-Très-Branché, du-vendeur-de-Ferrari-qui-espère-que-Ferrari-va-gagner-la-course...

Bref, j'étais un peu blasé. Et mortellement ennuyé par un week-end basé sur l'étalage indécent de richesses démesurées, sur la piste et en dehors de la piste.

Je ne suis pas le seul. À La Presse, où les journalistes sont plus Bixi que Jenson Button, il n'y a à peu près que Réjean Tremblay qui s'est dit catastrophé par le départ de la F1.

Ça, c'était il y a un an. Que s'est-il passé, depuis?

Il s'est passé, depuis un an, grosso modo, que l'immobilisme de cette ville et la sclérose de son leadership se sont pleinement révélés. Il s'est passé, dans cette ville de compteurs d'eau, de nids-de-poule en forme de cratères, de rues et de ruelles sales, une sorte de prise de conscience : Montréal ne va pas très bien.

On le savait, bien sûr. Mais il s'est passé, lors de l'été 2008, un truc embarrassant, traumatique, honteux pour les Montréalais : Québec s'est mis à briller comme un sou neuf dans un été de 400e anniversaire tout à fait réussi.

Évidemment, évidemment, on dira que Québec n'est pas Montréal. Régis Labeaume, maire de Québec, est le premier à dire que Montréal est une ville plus complexe à gérer que la sienne. Il a raison. N'empêche: Québec est sur une lancée, Québec a des ambitions, n'a pas de complexes, n'a pas d'histoires débiles de compteurs d'eau, n'a pas de chicanes stériles entre la ville et ces parkings à roitelets que sont les «arrondissements».

Depuis un an, avez-vous remarqué que les blagues sur Québec en tant que village sont plus rares, du côté du 514 ? Ce n'est pas un hasard. C'est un peu indécent de rire d'une ville qui va bien quand on habite une ville qui traîne la patte...

Or, pendant que Québec était encore sur cette lancée post-400e, Montréal a perdu son Grand Prix.

Qu'est-ce qu'on réalise, un an plus tard?

Que Montréal est mieux nantie avec la F1 que sans la F1. Comme elle était mieux nantie avec les Expos que sans.

Amateur de course ou pas, il faut bien reconnaître qu'un Grand Prix de F1, c'est le signe d'une appartenance à un certain club sélect, des retombées bien concrètes, la marque d'une certaine pertinence dans le circuit des grandes villes.

Qu'est-ce qu'on réalise, un an plus tard? Peut-être que Montréal n'est pas une si grande ville que ça, au fond. Et de se faire bouder par ce qui reste une course de chars, mais une course planétaire, nous l'a cruellement, douloureusement, étrangement rappelé.