Je ne sais pas trop pourquoi j'aime Sébastien Proulx. C'est un vieux politicien, pourtant. Un vieux politicien de 33 ans qui compte 19 petits mois de kilométrage comme député.

Sébastien qui?

Allons, allons, un petit effort. C'est l'adéquiste le plus visible, après Mario. Proulx est le leader parlementaire de l'ADQ. C'est lui qui menait les troupes en Chambre.

On attendait Gilles Taillon, comme fidèle second de Mario Dumont. Il le fut, officiellement. Mais voici un homme, M. Taillon, qui semblait furieusement s'emmerder quand il se retrouvait devant les kodaks. Voici un homme qui semble avoir envie de se faire battre en Outaouais, dans ce fief libéral où il vient de déménager.

Sébastien Proulx, donc. Fort en gueule. Fort en clip. De l'aplomb, surtout, ce qui a douloureusement manqué aux troupes adéquistes, depuis 19 mois.

Un p'tit vite. «Au début du mandat, dans les commissions parlementaires, les libéraux, pour nous écoeurer, montraient un adéquiste en me demandant: «C'est qui, lui, déjà?» Je leur répondais: «C'est celui qui a battu le libéral X ou Y!»»

RDI l'invite en débat, avec des pointures comme François Legault (PQ) et Michelle Courchesne (PLQ). Il ne se met pas le pied dans la bouche. Il ne se tire pas dans le pied. Il tient son bout. Il est même drôle, parfois, le sacripant.

Je lui parle de l'inexpérience des adéquistes. Je lui parle de Sylvie Roy et de Pierre Gingras, deux députés dont les sorties échevelées m'ont poussé à écrire sur mon blogue, il y a un an, un billet amoureusement intitulé «Les ploucs de l'ADQ». Son rôle de leader remonte à la surface. Il les défend.

«Il y a eu un apprentissage du travail de parlementaire pour beaucoup de nos gens. Il y avait de l'inexpérience. Mais ces gens-là, Pierre et Sylvie, tu sais, dans leurs comtés, ce sont des incontournables.»

Une réponse de politicien. Je devrais haïr ça. Pourtant, non. Il y a comme une lueur de ti-cul, au fond de ses yeux, qui dit: C'est juste une game!

On prend place dans une banquette, chez Stratos. Le cuisinier s'éloigne de ses fourneaux pour le saluer de loin. Quand la pizza arrive, Proulx me dit:

«Officiellement, si ma blonde pose des questions, on a mangé de la salade, avec la pizza, OK?»

«Certainement» que je fais en prenant une frite.

«C'est le seul mensonge que j'impose à mon équipe. Officiellement, je mange de la salade!»

Dans Trois-Rivières, il est déjà hyperconnu. Aux Maronniers, une résidence pour gens âgés, une dame s'exclame en le voyant: «Ah, vous, oui! On vous voit souvent à la télévision! Je vous aime bien!»

Comme leader de l'opposition, il sonnait souvent la charge, avec éloquence et fougue. Du bonbon pour les topos de TV. «De cette façon, tu existes à la télévision. C'est important.»

Et pour un député adéquiste impliqué dans une course à trois avec Danielle Saint-Amand (PLQ) et Yves Saint-Pierre (PQ), ce n'est pas un avantage négligeable.

N'empêche, il pourrait perdre, le 8 décembre. Parce que l'ADQ va mal. Tiens, hier matin, il s'en allait visiter le collège Laflèche, à l'invitation d'Alain Soulard, prof de science po, dans un cours sur l'image des élus.

On arrive à l'école et Camille Simard, de TVA, y est déjà. Elle attend le député de Trois-Rivières. L'entrevue se déroule dans le lobby du collège. Juste avant le début de l'entrevue, la reporter lui dit:

«Il y a du négatif et du positif, dans ce que je vais vous dire.»

«OK, go», fait Sébastien Proulx, en me lançant un clin d'oeil.

J'ai noté dans le calepin: S'amuse comme un enfant. Et c'est pourquoi, je crois, j'ai un faible pour le député de Trois-Rivières. Il semble avoir un fun fou, au milieu de collègues qui, tous partis confondus, sont d'un sérieux mortel.

La journaliste arrive avec la mauvaise nouvelle TVA: le sondage le donne troisième, derrière le péquiste et derrière la libérale.

Proulx n'est pas démonté. Les gens décident des gagnants, pas les sondages, dit-il. Encore là, pas une once d'agressivité, juste ce qu'il faut d'aplomb.

La bonne nouvelle dans le sondage?

Eh bien, 52% des gens interrogés ont une impression favorable ou très favorable du député. Plus tard, dans le reportage, le candidat péquiste dans Saint-Maurice, Claude Pinard, député de 1994 à 2007, dira qu'il ne croit pas que Proulx puisse finir troisième.

N'empêche. Mario Dumont, dans l'électorat, «passe» mal. Dans la classe du prof Soulard, les questions des jeunes ont porté sur le chef de l'ADQ, justement. Sur ses problèmes d'image.

Sur le tableau blanc, une liste: têtu, pas souriant, vindicatif, déterminé, susceptible, sur ses gardes, image qui se détériore, énigmatique.

Mario Dumont, vu par ces jeunes étudiants!

Sébastien Proulx a pris une seconde pour lire ces mots durs. Puis, il s'est retourné, je vous jure qu'il avait l'air d'un enfant qui entre dans un magasin avec un chèque-cadeau de 200$, vivifié par la perspective d'un débat, enjoué par une autre manche de la game politique.

Puis, il a dit, avec un sourire gigantesque:

«Hum... Têtu, pas souriant... C'est pas moi, ça!»

La classe a croulé de rire.

Sébastien Proulx n'a pas dit son dernier mot.