Sommes-nous prêts, Québécois, pour un premier ministre noir ? Réponse : ça dépend du Noir en question.Même chose pour une femme. Pauline Marois, chef du PQ, pourrait écrire la proverbiale page d'histoire en devenant la première femme première ministre du Québec.

Sentez-vous une fébrilité dans l'air parce que l'histoire nous regarde du coin de l'oeil ?Moi non plus.

Parce que, toute femme soit-elle, Pauline Marois est vue comme une politicienne en parfaite maîtrise de la langue de bois qui souffre d'un déficit de charisme.

Alors le Québec est prêt pour une femme, j'en suis certain. Je ne sais pas trop laquelle, remarquez. Mais je ne suis pas sûr que ce soit Mme Marois.

Idem pour les États-Unis et leur nouveau président désigné. Les Américains étaient prêts pour ce Noir-là, pour ce providentiel Obama, après huit ans d'obscurantisme politique aux commandes, à ce moment précis de leur histoire.

Obama a su rallier Noirs, Latinos, jeunes et nombre de gens déçus par la politique. Mais il a su trouver les mots, le ton, les thèmes justes pour les convaincre de voter pour lui. Les États-Unis se sont donné un président noir, mais la couleur de sa peau est loin d'être le seul facteur qui explique sa trépidante odyssée.

Pas sûr qu'ils étaient prêts pour un J.C. Watts (républicain) ou un Al Sharpton (démocrate), deux politiciens noirs, oui, mais aussi inspirants que le gars qui lisait les textes de la chaîne des petites annonces, jadis.

Et, si je peux ajouter ce bémol sur la couleur de la peau de M. Obama : les Américains étaient prêts pour un Noir qui ne l'est pas trop.

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Quand on se demande si le Québec est prêt pour un PM noir, on se demande surtout si le Québec est assez ouvert, assez tolérant pour avoir un Noir comme PM. Si son racisme ambiant est suffisamment tamisé pour permettre ça.

Difficile à mesurer, le racisme. Il n'y a pas, ici, de parti d'extrême droite qui fait campagne sur des thèmes xénophobes, alors c'est déjà un bon début...

Sauf que nous ne sommes pas des saints non plus. En mai 2006, L'actualité a publié un magistral papier*, «Sommes-nous racistes ?», qui m'a jeté à terre.

Tout en reconnaissant l'ouverture des Québécois à l'autre, tout en soulignant la difficulté de définir ce qu'est une société raciste, le journaliste François Guérard soulignait deux faits qui, mis ensemble, sont troublants.

Premier fait : les Noirs sont aussi bien formés que la moyenne des Québécois (14 % possèdent un diplôme universitaire), sinon plus (44 % possèdent un diplôme collégial ou technique, contre 37 % pour la moyenne des Québécois).

Second fait : malgré ces diplômes qui favorisent l'emploi, les Noirs du Québec ont un salaire inférieur de 28 % à la moyenne des Québécois ainsi qu'un taux de chômage deux fois plus élevé (17 % contre 8 %).

Alors, je veux bien qu'on soit ouverts, tolérants, tout ça, nous, les Québécois. Mais les Noirs sont moins embauchés que les Blancs. Il y a un problème.

On a de la misère à donner du travail à des Noirs.

Peut-on donner le poste de PM à un Noir ?

Sais pas. Je ne sais même pas si c'est un baromètre pertinent. Mais il porte à réfléchir.

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Le Québec est-il prêt pour un PM noir, donc ?

Réponse : oui... s'il s'agit d'un candidat exceptionnel.

Parce que si c'est un Jean Charest noir, si c'est un politicien convenu, un peu monotone, pas du tout porté à faire rêver les Québécois, alors là, non. Pas du tout. Aucune chance.

Racisme ? Non. Un Noir, une femme, un gai devront toujours travailler et briller plus fort que l'homme blanc issu de l'establishment. C'est le lot du négligé. C'est la réalité de la frilosité collective, qui préfère ce qui lui ressemble au choc de la différence.

Donc, sommes-nous prêts pour un PM noir ?

Personnellement, je prendrais tout simplement un leader charismatique dont l'histoire personnelle est inspirante et la politique, rassembleuse. Quelqu'un qui nous incarne, nous, et qui incarne à la fois quelque chose de plus grand que lui (ou elle).

Un Lévesque. Un Obama. Un Mandela. Je suis ambitieux, je sais.

Pourvu que ça nous change des sympathiques robots qu'on voit sur les affiches électorales depuis trop longtemps.

Je me fiche qu'il soit noir.

Je suis juste tanné qu'ils soient si beiges.

*Pour trouver ce texte : tapez «L'actualité racisme» dans Google.