«J'ai du mal à comprendre la vision des conservateurs. C'est dommage parce que Harper a «livré» comme peu de gouvernements ont livré. Ils ont pris des engagements et ils les ont tenus. Pourquoi ils ne prennent pas d'engagement pour Québec, cette fois-ci?»

Hier matin, j'ai longuement parlé avec Régis Labeaume, maire de Québec. Il devrait chanter les louanges du PCC, de Stephen Harper et de ses députés de la région de Québec sur toutes les tribunes.

Après tout, le gouvernement conservateur a arrosé Québec d'argent pour le 400e, promis des millions pour l'agrandissement du Musée national des beaux-arts et retapé l'aéroport Jean-Lesage. Entre autres choses.

Pourtant, Régis Labeaume n'est pas content. Pas du tout.

Parce que, en 2008, les conservateurs sont absents du paysage, dit-il. Eux qui ont séduit au point de quasiment rayer le Bloc de la région sont muets, cette année. Pas d'engagements, pas de promesses, pas de réponse à la liste des grands projets qu'il souhaiterait voir progresser, qu'il a soumise aux candidats.

M. Labeaume ne comprend pas le silence des bleus parce que, ici comme ailleurs au pays, les candidats conservateurs se sont transformés en courants d'air.

«Je suis frappé par le contrôle de l'information qui règne. J'ai de la misère à m'expliquer qu'on fasse une campagne sans parler. C'est le sujet de l'heure: les candidats ne peuvent pas parler de leur région!»

M. Labeaume note que le PCC a sorti sa plateforme hier: «C'est bien tard!» dit-il. Je lui soumets qu'au moins, les candidats conservateurs de Québec auraient pu faire campagne sur leur bilan. Réponse: «Je ne crois pas à ça. En élections, les gens regardent en avant. Pas le bilan. En politique, surfer, ce n'est pas bon.»

Régis Labeaume a de bons liens avec les ministres québécois de M. Harper. Il défend même Josée Verner! «Mais j'ai compris une chose: les décisions se prennent au bureau du premier ministre.»

Ce maire-là a tout pour être un allié du PCC. Le caractère, surtout: Régis Labeaume est un gars de choses concrètes, issu du milieu des affaires. Pourtant, vous ne l'entendrez pas vanter les conservateurs. «Le Bloc a fait une excellente campagne. Je le dis même si c'est plate de voter par dépit.»

Blackburn le théoricien

Et ne lui parlez pas de Jean-Pierre Blackburn! Le ministre fédéral du Développement économique québécois s'est attiré les foudres d'à peu près tout le Québec inc., y compris le ministre provincial Raymond Bachand, quand il a décidé de sabrer les subventions aux organismes de développement d'affaires. Le maire de Québec a été son critique le plus acharné.

«C'est une erreur, ces coupes. Le premier ministre devrait dire: «C'était une erreur. Je vous ai entendus.» Ça se dit, ça! Ça montre que t'es faillible. Et sensible. Et s'ils disaient qu'ils ont fait une erreur, je serais à côté de M. Harper pour dire qu'il nous a écoutés et que c'est honorable.»

Et le coloré maire, qui a fait fortune dans les affaires, donne une (autre) taloche à M. Blackburn, qui souffre dans sa circonscription de Jonquière-Alma: «Jean-Pierre Blackburn est au fond un émule de John Maynard Keynes et d'Adam Smith: c'est un théoricien de l'économie, dit-il sarcastiquement. J'ai lu une biographie de Keynes, récemment. J'ai hâte de lire le traité d'économie de M. Blackburn.»

Plus tard, j'ai dîné avec Dominic Maurais. Il y a 10 ans, quand j'étais reporter au Droit, il couvrait les faits divers à Ottawa. Aujourd'hui, il est animateur du matin à CHOI. Dominic est un pragmatique, un gars de centre droit.

Il devrait triper sur Harper. Eh bien, non.

«Ils n'ont pas de plateforme régionale! On fait quoi, pour le 401e? J'aimerais qu'on brasse des idées, moi. Sur l'immigration. Le développement économique. La pénurie de main-d'oeuvre. L'apprentissage de l'anglais, aussi. On a un problème de langue seconde, ici. Mais ils n'ont rien à dire sur rien.»

L'animateur de la populaire émission matinale constate aussi un double problème de fond et de forme.

Primo, le contenu: «Envoyer des jeunes de 14 ans en prison? Il y a de plus grands problèmes, en justice. Pense aux ivrognes récidivistes au volant. Un registre national de pédophiles. Une réforme des libérations conditionnelles.»

Deuzio, le contenant: «Cette campagne est un fiasco de communication, du début à la fin. On ne les voit pas. Les absents ont toujours tort.»

»Danger de déconnexion»

Un bel exemple de débandade conservatrice?

La reconstruction du Manège militaire, qui a flambé le printemps dernier. «Québec a une tradition militaire. Nos soldats de Valcartier ont saigné en Afghanistan. Pourtant, les conservateurs n'ont pas pris le leadership pour savoir si on reconstruit, et comment on le fait. Ils veulent consulter. Eh! bien, on a voté pour eux, qu'ils prennent des décisions!»

Je dis à Dominic que le PC se défend en disant que ses candidats font du porte-à-porte, qu'ils se dépensent sur le terrain. «Ah oui? J'ai pas vu mon député. Daniel Petit n'a pas laissé de brochure chez moi. Peut-être que je vais le voir à l'Halloween...»

Le maire Labeaume, lui, parle carrément d'isolement qui part de haut, de très haut. «Les maires des 10 plus grandes villes du pays, on devrait pouvoir parler au premier ministre. Je peux avoir M. Charest au téléphone facilement. M. Harper? Plus compliqué. C'est décevant. Il y a un danger de déconnexion.»