C'était un vendredi soir de la mi-décembre. L'air avait la douceur duveteuse d'une première neige même s'il ne neigeait pas. En sortant de l'Astral, j'ai aperçu le marché de Noël fraîchement installé sur l'esplanade de la Place des Arts. Une initiative de la Tribu et de Juste pour rire, qui réunit une poignée de petits producteurs venus vendre qui leurs fromages, qui leurs pâtés, qui leurs queues de castor, qui une délicieuse tourtière concoctée par les lutins du Pied de cochon.

C'est la première année que ce marché voit le jour et j'ose espérer que ce ne sera pas la dernière tant il est agréable et apaisant de se promener en plein centre-ville dans ce néo-village du père Noël.

Mais ce soir-là, avant d'aller chercher ma tourtière, j'ai dérivé lentement vers le coeur de la métropole culturelle : la place des Festivals qui brillait de tous ses feux, ses contours parés de lumières de Noël dont l'éclat était accentué par les projections stylisées sur les neuf façades des bâtiments environnants. 

Une musique rêveuse se répandait comme du miel sur une trentaine de bascules illuminées comme des fusées et prises d'assaut par la foule qui en activait les notes et les sons.

Ces bascules, gracieuseté du programme de Luminothérapie qui, depuis six ans, cherche à ensoleiller notre hiver et à nous faire jouer dehors, sont une formidable réussite.

Elles sont tellement amusantes et invitantes qu'elles restent rarement inoccupées, de jour comme de nuit.

Mais ce qui était formidable ce soir-là, c'est qu'une foule bigarrée s'y pressait, une foule composée à la fois de familles d'immigrants, d'enfants de tous les âges et de toutes les couleurs, de couples du troisième âge et d'ados en goguette, tout ce beau monde se mêlant joyeusement sur ce terrain de jeu impromptu imaginé par des créateurs et des designers d'ici et d'ailleurs.

Montréal n'est pas toujours une ville magique. La plupart du temps, c'est une ville paralysée par la circulation et plombée sur ses grandes artères par les nids-de-poule et par des dizaines locaux à louer. Mais ce soir-là, au Quartier des spectacles, Montréal était non seulement une ville féerique, mais une ville habitée par une réelle magie.

Et ce qui est encore plus magique, c'est que cette année, Montréal ne fermera pas pendant la période des Fêtes. Je le souligne parce qu'il n'y a pas si longtemps, arrivé au 24 décembre, il n'y avait subitement plus rien à faire à Montréal. Tous les théâtres tiraient leurs rideaux et fermaient boutique. La Place des Arts ressemblait à un grand hall de gare vide et les rares touristes français ou américains qui s'aventuraient chez nous pour les Fêtes se croyaient débarqués dans une ville abandonnée de la Sibérie.

UNE RUCHE ANIMÉE

Mais cette année, pendant la période des Fêtes, le Quartier des spectacles sera une ruche animée avec ses bascules lumineuses et musicales, son marché de Noël et ses théâtres ouverts. La Place des Arts s'est aussi mise de la partie et offrira des spectacles dans la plupart de ses salles : le mythique Casse-Noisette à Wilfrid-Pelletier, Décembre de Québec Issime à Maisonneuve, l'exposition À la poursuite du loup-garou, dans la salle d'exposition du grand hall. Il y aura même du théâtre chez Duceppe.

Dans toutes les métropoles civilisées du monde, la période des Fêtes est l'occasion idéale pour sortir, vivre sa ville et profiter d'une offre culturelle qui, le reste de l'année, échappe à bien des citadins, faute de temps et de disponibilités. Montréal a mis des années à comprendre le concept. 

Abandonné par les banlieusards ou par les campagnards repartis dans leur campagne, Montréal s'ennuyait à mort pendant la période des Fêtes. C'était la période creuse de l'année.

Et cette absence d'activités culturelles en ville n'avait qu'un résultat : elle précipitait des hordes de familles en congé dans les bras des centres commerciaux, les poussant à consommer à outrance et à faire le plein de dettes.

Mon souhait le plus cher pendant la période des Fêtes cette année, c'est justement que les banlieusards désertent leur Carrefour Laval ou leur DIX30 et qu'ils reviennent en ville profiter de ses lumières, de ses foules bigarrées, de ses théâtres, de ses restos et de ses musées. Et s'ils n'en ont pas les moyens, alors qu'ils viennent tout simplement se promener au marché de Noël de la Place des Arts, se réchauffer autour des braises des foyers, visiter la maison du père Noël ou l'atelier des lutins, danser un set carré ou jouer à cache-cache parmi les arbres illuminés. Puis, le moment venu, je les invite à descendre sur la place des Festivals et à sauter sur la première bascule musicale qui se libère, retrouver l'esprit des Fêtes et l'insouciance de l'enfance.

Sur ce, chers amis lecteurs, je vous souhaite un joyeux temps des Fêtes plein de chaleur, de bonheur et de convivialité. On se retrouve en janvier.