Il n'en menait pas large, Jian Ghomeshi. Cerné de toutes parts, bousculé par une meute affamée de médias, sa voix de velours réduite au silence, l'ex-petit roi de la radio est sorti de l'ombre cette semaine pour comparaître devant la justice torontoise.

D'une voix éteinte et dépossédée de son pouvoir de séduction, il a plaidé non coupable à quatre chefs d'accusation d'agression sexuelle et à l'accusation d'avoir tenté d'étouffer une victime qui lui résistait. Puis il est retourné dans la mêlée médiatique comme un chien sans médaille marche vers l'abattoir.

Dire qu'il y a un peu plus d'un mois, il était au sommet de la montagne, Icare bienheureux, aimé, adulé, craint, respecté, faisant la pluie et le beau temps dans les couloirs et les bureaux de la CBC où sa célébrité, conséquence de sa grande popularité, en avait fait un dieu et un intouchable.

Le culte de la célébrité est toujours un piège et doublement si votre seul exploit est d'animer une émission de télé ou de radio. Doublement parce qu'un animateur n'est pas un chanteur populaire ni un sexe-symbole du grand écran. Non pas que Brad Pitt ou Bono aient tous les droits, mais ils jouissent néanmoins d'une immense indulgence due en partie aux fantasmes qu'ils sont payés pour incarner.

Pour un animateur, ce ne sont pas, en principe, les mêmes lois qui s'appliquent. Un animateur est un passeur qui devrait s'effacer et disparaître pour mettre en valeur les autres. Mais la médiatisation et la surexposition ont brouillé les cartes et font en sorte qu'un simple animateur peut devenir une vedette aussi adulée et convoitée que Justin Bieber.

Les animateurs les plus intelligents et sans doute les moins carencés comprennent vite que leur célébrité est une calorie vide, qui dépend moins d'eux que de la force de l'antenne qui les diffuse. Aussi ont-ils l'humilité ou la prudence de ne jamais laisser leur tête enfler.

Ghomeshi n'a pas eu cette chance. Pour une foule de raisons que son psy saura mieux identifier, il s'est laissé prendre au jeu et il a cru, vraiment cru, qu'il était un dieu et qu'il avait tous les droits.

Il y a six mois, alors que des soupçons sérieux ont commencé à peser sur lui et qu'un journaliste du Toronto Star l'a mis face aux rumeurs d'agression sexuelle qui couraient à son sujet, il aurait dû allumer et comprendre que c'était le début de la fin. Il n'en fut rien. Il a continué sa petite routine comme si de rien n'était, convaincu qu'il était invincible et dans son bon droit.

Il était à ce point déconnecté et ivre de son pouvoir et de son impunité qu'il a poussé l'insolence jusqu'à montrer à ses patrons des photos et des vidéos des filles à qui il avait fait des bleus. Regardez, les amis, il n'y a rien là. Non seulement la fille était consentante, mais elle était ravie que moi, Jian Ghomeshi, je descende de mon Olympe pour l'entraîner dans mon lit, leur a-t-il sans doute dit.

La suite des choses est une comédie des erreurs ou, comme le soulignait un gestionnaire de crise à Toronto, l'exemple parfait de tout ce qu'il ne faut pas faire en pareilles circonstances. Le message douteux sur sa page Facebook où il s'incriminait, sa poursuite indignée et pharaonique de 55 millions contre la CBC qu'il a depuis retirée, tout cela suintait l'arrogance, l'aveuglement et le manque flagrant de lucidité.

Jusqu'à la dernière minute de la dernière heure, Icare a cru qu'il allait s'en tirer. Cru que ses ailes ne fondraient pas à la chaleur et que tout finirait par s'arranger parce qu'après tout, il n'était pas n'importe qui. Il était Jian Ghomeshi. Mais plus Icare monte haut dans les airs, plus bas il tombe, plus sa chute est brutale. Dire qu'il y a à peine un mois, la vie souriait à Jian Ghomeshi. Dire qu'aujourd'hui, par sa propre faute, sa vie est en quelque sorte finie...

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De l'âme des édifices, l'objet d'un panel qui se tiendra au Centre PHI le 4 décembre à 18 h et qui réunira Phyllis Lambert, Sophie Gironnay et les architectes Stéphane Pratte et Jean Pelland. Tout ça en marge de la présentation (du 5 au 11 décembre) du magnifique documentaire Cathedrals of Culture, un hymne à l'architecture réalisé entre autres par Wim Wenders et Robert Redford.