Depuis plus de 20 ans, je passe mes fins de semaine et mes étés au lac Massawippi. Notre chalet est exactement à 18 minutes de Coaticook, et pourtant, au cours des 20 dernières années, je ne suis allée à Coaticook qu'une fois. Une seule saprée fois. Récemment, pourtant, j'ai fait le trajet jusqu'à Coaticook à deux reprises en 24 heures avec la ferme intention d'y retourner beaucoup plus souvent.

Pourquoi ce changement subit d'allégeance à l'égard d'une ville qui, bien qu'elle produise une excellente crème glacée, n'est pas exactement la septième merveille du monde? À cause d'une forêt enchantée, peuplée de lucioles et de fées, où les arbres s'embrasent subitement sans brûler et où une coulée de lumières de mille couleurs vient tapisser le fond d'une gorge et lui donner l'allure du paradis.

Je vous parle bien entendu du son et lumière Foresta Lumina, qui se déploie chaque soir dans le parc de la Gorge de Coaticook depuis le 12 juillet et qui rangera ses projecteurs, ses ordinateurs et ses hologrammes après un dernier parcours dimanche soir.

Conçu par Moment Factory pour environ un million de dollars, Foresta Lumina est une sorte de petit miracle régional et la preuve qu'avec beaucoup de créativité, on peut non seulement attirer le public, mais aussi le ravir et l'enchanter.

Le spectacle Foresta Lumina est pourtant né d'un constat déprimant: le déclin progressif de l'achalandage de la gorge et son parc. Comment le freiner et, surtout, comment ranimer l'intérêt du public pour un trésor naturel dont il se détournait?

Un soir à table avec des amis, Caroline Sage, une native de Coaticook qui a étudié à l'Université Laval avant de revenir prendre la direction du parc, s'est mise à rêver à voix haute à des solutions pour redorer le blason terni de l'attrait touristique qui a fait la renommée de Coaticook. La nuit, jamais vraiment exploitée à la gorge, s'est imposée comme le moment par excellence pour offrir un concept cool et nouveau. Ce concept tournerait autour de l'illumination du bijou du parc: son pont de 169 mètres, suspendu entre ciel et rivière.

Convaincue que son idée n'était pas folle du tout, la directrice s'est d'abord tournée vers la Société des arts technologiques (SAT) pour savoir si une projection sur le pont suspendu était possible. Elle l'était, mais à un coût astronomique en raison notamment de la taille des projecteurs nécessaires à sa réalisation. La SAT lui a offert une solution de rechange jolie mais un peu abstraite qui ne fut pas retenue. Et puis Moment Factory est arrivé dans le paysage avec un concept narratif inspiré de l'histoire et des légendes du lieu avec l'illumination de sept zones. Wow, a répondu Caroline Sage à la proposition.

Le soir de l'inauguration, la directrice a répété à qui voulait l'entendre que si Foresta Lumina réussissait à attirer 7500 visiteurs, elle serait folle de joie. À 10 000 visiteurs, elle serait la directrice la plus heureuse du monde. Elle n'avait jamais imaginé qu'il y aurait une moyenne de 2500 spectateurs par soir, prêts à faire la file pendant deux ou trois heures pour aller se promener dans la forêt enchantée. Elle n'aurait jamais osé croire qu'au final, le nombre des visiteurs de nuit se chiffrerait à 67 000.

Le coût du billet - 12,50 $ - fut pour beaucoup dans le succès de l'entreprise. À 50 $ pour une famille de quatre, ça faisait un enchantement des plus abordables. Ajoutez à cela un amalgame ingénieux entre nature et technologie et la rencontre improbable entre Coaticook et Moment Factory, et vous avez de quoi comprendre la réussite de l'entreprise.

Je suis allée à Foresta Lumina par un samedi soir de l'été des Indiens. La nuit était douce, le ciel étoilé et la file immense. Comme la plupart des gens, j'aurais aimé que le parcours dure plus longtemps et qu'il y ait plus d'illuminations, plus de projections et un embrasement de la forêt un peu plus global. Il paraît que cela s'en vient en mai 2015 quand le spectacle sera bonifié et que de nouvelles zones seront illuminées. En attendant, devant le succès populaire de l'entreprise et ce qu'elle a réussi à faire sur le plan du développement et de la revitalisation, Coaticook pourrait donner des leçons à bien des villes, y compris Montréal. Monsieur le maire, le 375e anniversaire approche à grands pas. Un petit tour à Coaticook, ça vous dirait ?

ON N'EN A PAS ASSEZ PARLÉ

De la disparition de Ghila Sroka, la fondatrice et éditrice de La tribune juive, belle bagarreuse et polémiste invétérée animée d'une énergie volcanique que même la maladie qui la rongeait depuis des années n'avait pas réussi à éteindre. Je l'ai vue pour la dernière fois au FFM, dont elle n'avait jamais manqué une édition, mal en point, mais encore prête à se battre. Comme l'écrivait joliment son ami Dany Laferrière, elle n'était pas du genre à mourir. Et pourtant... Salut, ma belle Ghila, je m'ennuie déjà de tes coups de gueule.

ON EN A TROP PARLÉ

De la carte de Dany à Caroline Néron. C'est vrai que c'était vache et faux en plus - ses bijoux ne sont pas laids -, mais chez Ruquier, des vacheries comme ça, il s'en balance toutes les deux minutes, et personne n'en fait un drame. On se calme.