C'est le berceau des religions monothéistes, le lieu sur terre que l'on dit le plus proche de Dieu et c'est, aujourd'hui, la source de la plupart de nos problèmes et de nos guerres: Jérusalem, ville sainte qui réunit entre ses murs et ses vieilles pierres 60% de juifs, 38% de musulmans et 2% de chrétiens. Tout ce beau monde se croise et se côtoie tous les jours que Dieu ou Allah amènent, mais sans se parler ni se regarder. Incroyable, mais vrai!

Il y a plus de cinq ans, le producteur montréalais Jake Eberts a eu l'idée un peu folle de tourner un film IMAX sur Jérusalem: un film apolitique, insistait-il, qui montrerait qu'il y a de la vie à Jérusalem. Pas seulement de la haine et des bombes.

Les négociations avec les différentes autorités religieuses puis avec l'armée israélienne pour obtenir le droit de survoler la ville en hélicoptère ont duré plus de deux ans. Dans le processus, le réalisateur montréalais Daniel Ferguson a fait 14 allers-retours, autant d'efforts qui ont fini par porter leurs fruits. Jérusalem 3D sort vendredi dans les deux langues au cinéma Imax. Il est dédié à Jake Eberts, qui est mort en cours de tournage.

Je me souviens encore de notre dernière rencontre dans son magnifique penthouse montréalais, dix mois avant sa mort. Malgré ses 70 ans, il évoquait ce projet réalisé pour le compte de National Geographic avec l'enthousiasme d'un gamin. Mais son enthousiasme n'avait pas réussi à tempérer mon scepticisme: un film apolitique sur Jérusalem? Je n'y croyais pas.

J'ai vu le film mardi en avant-première. Les prises de vue sont à couper le souffle et je suis obligée de concéder que Jérusalem est effectivement apolitique. Le film nous prend par le bras et nous plonge au coeur de la vieille ville, nous collant le nez sur la surface polie des pierres du mur des Lamentations, sur ses ruelles étroites, ses marchés bigarrés, ses échoppes et ses cavernes d'Ali Baba.

Mais surtout, dans cette ville vieille de 5000 ans et qui a changé onze fois de religion dans la tourmente de son histoire, le film nous fait vivre, les rituels et célébrations des trois religions monothéistes qui y cohabitent: bar Mitzvah juif, ramadan musulman, Pâques chrétiennes, le tout avec un souci constant de parité afin que les trois religions aient le même temps-écran et le même traitement.

Jérusalem n'est pas un film politique. Nulle part il n'est question d'Israël, de Gaza ou de la guerre entre les deux. Dans Jérusalem, en fin de compte, on ne parle que de religion. À un point tel que pendant 45 minutes, j'ai eu le sentiment de vivre une orgie religieuse sans fin, une débauche de dieux et de croyances, une déferlante de fidèles exaltés qui ont fini par me donner le tournis et l'envie de fuir toutes les religions. Mais je ne suis pas quelqu'un de religieux en partant, ceci expliquant cela.

Pour incarner l'esprit de la ville, trois adolescentes de trois confessions différentes et choisies en audition nous servent de guides dans les différents quartiers. À la fin du film, le réalisateur Daniel Ferguson a voulu les réunir pour qu'elles échangent sur leur réalité. Mais la scène a été coupée. La discussion ne menait nulle part. Et puis, selon les filles, c'était une discussion artificielle puisque dans la vraie vie, à Jérusalem, les trois principales communautés évitent tout contact de peur d'activer de vieilles haines transmises de génération en génération.

Ce que le film ne dit pas, par contre, c'est que ces trois filles qui ne voulaient pas fraterniser à Jérusalem ont été invitées à présenter le film à Toronto et Washington. Or, loin de leurs familles et sorties de l'étau de Jérusalem, les trois filles se sont comportées comme les meilleures amies du monde. Leur amitié n'a malheureusement pas survécu à leur retour à Jérusalem. Qu'à cela ne tienne. Le film a le mérite de leur avoir fait faire un pas, un tout petit pas, dans la bonne direction.