L'auteure Dominique Demers lui a donné le nom d'un méchant: Igor. Il est pour ainsi dire le personnage central de son nouveau récit, Chronique d'un cancer ordinaire, ma vie avec Igor. Igor n'est pas tant un homme qu'un pays: le cancer. Un pays qui fait de plus en plus l'objet d'un courant dans la fiction littéraire et télévisuelle.

Chez nous, outre le récit de Dominique Demers, il y a Nouvelle adresse, la série de Richard Blaimert sur une journaliste, mère de trois enfants, aux prises avec une récidive de son cancer et à qui il reste, probablement, peu de temps à vivre. Dans Mémoires vives, le personnage central interprété par Marie-Thérèse Fortin est oncologue et nage dans le cancer à longueur de jour. Son amie interprétée par Maude Guérin, qui confectionne des perruques pour les femmes en chimio, vient elle-même d'avoir un diagnostic de cancer.

Dans une tout autre veine, la très audacieuse bédé Paul à Québec de Michel Rabagliati raconte, avec moult détails et dessins, le cancer du pancréas de Roland, le patriarche du clan Beaulieu. Quant à la jeune Klô Pelgag, elle chante avec une touchante poésie la triste fin d'une amie partie vivre en Leucémie dans la chanson La fièvre des fleurs.

Nos voisins du Sud, pour leur part, nous ont offert The Big C, une comédie grinçante mettant en vedette une femme qui, apprenant qu'elle a le cancer, décide de faire tout ce qu'elle s'est empêchée de faire pendant qu'elle était en santé.

Et puis il y a l'incontournable Breaking Bad, mettant en vedette un prof de chimie atteint d'un cancer du poumon qui, pour payer ses traitements, s'embarque et s'enlise dans le commerce du meth. Dans ce cas précis, le cancer est plus un prétexte pour décrire la dégradation morale d'un bon gars, mais, d'une certaine manière, cette dégradation est aussi une forme de métaphore cancéreuse.

Tout cela pour dire que le cancer semble être devenu une source inépuisable d'inspiration. Le web a même trouvé un nom assez cynique merci pour décrire le phénomène: le «cancertainment», un amalgame de «cancer» et d'«entertainment». Chez nous, ce serait quoi? Le cancertissement?

S'il n'y a rien, mais vraiment rien, de divertissant dans le cancer, en revanche, le cancer est effroyablement rassembleur. On connaît tous quelqu'un qui a été affligé du cancer, quelqu'un qui y a survécu, quelqu'un qui en est mort.

Un ami, un parent, un proche, un voisin, un cousin, un camarade de travail: le cancer ne fait pas de distinction d'âge ni de classe sociale. Qu'on en parle enfin ouvertement, librement et avec émotion dans les livres, les chansons, les films et les séries est une bonne chose, surtout si c'est fait avec humour et sans trop verser dans les larmes et le sentimentalisme.

Il y a un tel tabou autour du cancer - tabou qui cache en réalité des montagnes de peur et d'effroi -, que d'en parler ouvertement dégonfle un peu la monstrueuse balloune. Et puis, dans les fictions sur le cancer se glissent de précieuses informations sur la maladie, ses déclinaisons, ses phases, son évolution, autant d'éléments dont tout le monde gagnerait à être mieux informé. Pas seulement ceux qui en sont atteints.

Pourtant, je connais bien des gens que le sujet rebute complètement et qui jurent qu'ils ne regarderont pas Nouvelle adresse ou toute autre fiction tournant autour d'Igor.

Ils trouvent le sujet trop difficile, douloureux, pénible. Ils préfèrent changer de poste plutôt que d'y faire face. Je n'ai pas d'arguments pour les convaincre du contraire. Après tout, chacun vit sa vie comme il l'entend. Il reste que l'objectif d'une fiction sur le cancer est souvent de dédramatiser la maladie et de montrer que la vie continue malgré tout. Nouvelle adresse en est la preuve éclatante. Mais, plus essentiel encore, c'est que non seulement une série comme celle-là ou un livre comme celui de Dominique Demers nous sensibilisent à la maladie, mais qu'ils nous rendent solidaires avec tous ces gens qui en souffrent. Rien que pour ça, Igor mérite qu'on s'y attarde.

ON EN A BEAUCOUP PARLÉ

De Gilles Latulippe, le dernier des Mohicans qui, en nous quittant cette semaine, a quasiment été promu au rang de saint. Heureusement qu'on lui avait rendu hommage cet été, car il aurait été le premier à dire qu'il valait plus cher mort que vivant. Et à en rire.

ON N'EN A PRESQUE PAS PARLÉ

De Claude Morin, qui était en tournée de promotion pour son livre Je le dis comme je le pense le matin de la mort de Gilles Latulippe. Quatre émissions de radio et de télé ont aussitôt «flushé» le pauvre homme, éclipsé par le roi du burlesque et renvoyé chez lui comme un moins que rien.