Il y a un an, j'ai écrit un article sur John Zeppetelli qui venait d'être nommé à la tête du Musée d'art contemporain de Montréal. Au détour d'une phrase, j'ai eu le malheur d'affirmer que le musée montréalais, qui fête cette année ses 50 ans, était la seule institution muséale entièrement vouée à l'art contemporain au Canada. Mal m'en prit.

Dans mon enthousiasme, certains diront mon ethnocentrisme montréalais, j'avais oublié que depuis 2008, le musée de Baie-Saint-Paul porte la dénomination de Musée d'art contemporain. C'est la ministre Christine St-Pierre qui la lui a accordée, en grande partie à cause d'une manifestation phare en art contemporain: le Symposium de Baie-Saint-Paul créé par Françoise Labbé il y a 32 ans dans le but d'initier le grand public à l'univers des pratiques en art contemporain.

La réputation du Symposium de Baie-Saint-Paul, qui dure tout le mois d'août et où une douzaine d'artistes de partout sont invités à créer une oeuvre in situ devant le public, n'est plus à faire. La réputation du musée qui chapeaute l'évènement l'est un peu plus.

Le musée érigé sur le site d'un ancien cinéma est pourtant fort joli. C'est l'architecte Pierre Thibault qui l'a dessiné alors qu'il venait à peine de terminer ses études. Mais le musée n'a ni la taille, ni l'ampleur, ni la dimension historique et muséale du MAC à Montréal. Cela relève de l'évidence même.

Pourtant, ma malheureuse phrase sur l'unicité du MAC montréalais a touché une corde sensible en région et m'a valu une lettre de bêtises du directeur du Musée d'art contemporain de Baie-Saint-Paul.

«Elle devrait savoir que notre évènement et notre musée ont fait plus pour l'art contemporain en 31 ans que le MAC de Montréal qui est incapable de se positionner dans sa ville. La méconnaissance des élites journalistiques est à la limite de l'insulte. Il serait temps qu'elles découvrent qu'il se passe des évènements de qualité en dehors des grandes villes», a écrit Jacques St-Gelais Tremblay dans une lettre envoyée à un relationniste qui me l'a transmise avec sa permission.

La lettre date d'un an. Je l'ai gardée parce que je la trouve exemplaire de mauvaise foi et symptomatique d'un esprit de clocher frileux et complexé qui trop souvent teinte les relations entre les régions et la métropole montréalaise.

Que le directeur en veuille à une journaliste qui a oublié l'existence de son musée, je le comprends aisément. Mais qu'il en profite pour dénigrer une institution dont il devrait être fier me dépasse. Cela fait quand même 50 ans que le MAC ouvre la voie et trace le chemin en art contemporain au Québec. Et peu importent les écueils ou les ratés, ce musée demeure le navire amiral pour tous ceux qui au Québec oeuvrent en art contemporain. Minimiser son impact ou traiter ce musée comme une menace ou comme l'ennemi à abattre n'aide rien ni personne.

Cela dit, cette lettre a eu au moins un effet positif. Non seulement je l'ai gardée, mais je me suis juré d'aller faire un tour au musée de Baie-Saint-Paul si jamais j'étais dans les parages. C'est arrivé le week-end dernier. L'expo Andy Warhol s'affiche venait à peine d'être inaugurée quand j'ai franchi le seuil du musée à l'ouverture de ses portes samedi matin. J'avais très hâte de voir cette expo réunissant 44 affiches de la collection privée de Paul Maréchal, qui de jour est conservateur de la collection de Power Corporation.

Je ne sais pas à quoi je m'attendais. Je sais seulement que j'ai été un brin déçue.

Il y a certes quelques belles pièces comme l'affiche d'Absolute Vodka ou celle pour Chanel No 5, mais tout cela ne tient que dans une salle et demie. Par moments, en plus, on a l'impression d'être en face non pas d'une affiche, mais d'un simple poster qui vient tout juste d'être déplié et qui porte encore les marques des plis faits dans sa boîte ou sa pochette de disque.

Andy Warhol a beau s'afficher, on en fait vite le tour. Ce n'est pas plus mal, puisqu'on a plus de temps pour l'autre expo, celle qui vaut vraiment le détour et qui se déploie dans la grande salle. Le musée y présente les coups de coeur d'une poignée d'heureux collectionneurs montréalais. Ceux-ci nous offrent à voir des Lemoyne, des Riopelle, des Pellan, des Hurtubise, des Marcella Maltais, des Jean McEwen et des Marcelle Ferron, moins connus parce que peu exposés, mais tout aussi fascinants que leurs oeuvres majeures.

Je pense à la série Bleu-blanc-rouge de Serge Lemoyne, qui s'articule ici autour de deux oeuvres: le classique Numéro 15 et l'étonnant Hommage à Viallat. Je pense aussi à ce magnifique et majestueux tableau de Jean McEwen avec ses multiples couches de couleur mêlant un chamarré de jaunes et de mauves.

Plus loin, deux grandes toiles de Riopelle viennent éclabousser les murs de couleurs ou de flocons blancs d'oiseaux, mais c'est la troisième qui crée l'onde de choc. Il s'agit d'une petite toile toute sage, à la limite du banal, peinte alors que Riopelle n'avait que 16 ans et s'intéressait aux paysages bucoliques de carte postale. Hallucinant!

Cette expo, je le répète, vaut le détour et confirme que monsieur le directeur avait raison: des fois, il se passe de belles choses en dehors des grandes villes. À l'avenir, je tâcherai de ne pas l'oublier. Promis. Juré.

Pour joindre notre chroniqueuse: nathalie.petrowski@lapresse.ca