On l'a traitée de pute, de cruche, de folle narcissique, de diablesse, de reine des fellations. Le rappeur Eminem l'a ressuscitée pour mieux l'assommer dans la chanson Rap God. Beyoncé a rajouté une couche de grossièreté avec la chanson Partition. Tous les soirs depuis le début de sa tournée, Miley Cyrus la caricature en simulant sur scène une fellation sur un personnage représentant Bill Clinton. Seize ans que cela dure et pour une fois, une rare fois, Monica Lewinsky a décidé de rompre le silence et d'écrire sa version de l'histoire.

Son témoignage est sorti dans l'édition en ligne du magazine Vanity Fair, jeudi. Et bien franchement, ce que raconte la stagiaire la plus célèbre du monde fait réfléchir.

Monica Lewinsky a aujourd'hui 40 ans, pas de mari ni d'enfants, et une vie jusqu'à maintenant marquée au fer rouge du scandale: celui de son aventure avec un président accro au sexe, qui a secoué la société américaine à la fin des années 90 et qui a failli se terminer par une destitution présidentielle.

Mais alors qu'on a pardonné à Bill Clinton et qu'il encaisse chaque année des millions sur le circuit des conférences, alors que sa femme Hillary Clinton a elle aussi tourné la page, occupant des postes importants et s'apprêtant peut-être à devenir la première femme élue à la présidence américaine, Monica Lewinsky est restée sur la touche, isolée, ostracisée, incapable de trouver la sérénité d'une vie normale.

Par son témoignage candide, elle tente en fin de compte de réclamer ses droits sur sa vie et son histoire. Mais aussi - et c'est là où son texte devient le plus pertinent - d'examiner la pratique de l'humiliation publique, une pratique présente dans la culture populaire par le truchement des médias depuis longtemps, mais amplifiée aujourd'hui par les réseaux sociaux.

«Personne ne peut échapper au regard sans pitié de l'internet où le potinage, les demi-vérités et les mensonges prennent racine. Nous avons créé une culture de l'humiliation qui récompense ceux qui humilient les autres, qu'ils soient paparazzi, blogueurs ou humoristes d'émissions de fin de soirée», écrit-elle.

Côté humiliation publique, Monica Lewinsky en connaît un chapitre. Son texte commence d'ailleurs par la question que lui a posée un étudiant alors qu'elle tournait, en 2001, pour HBO, le documentaire Monica Lewinsky in Black and White.

«Qu'est-ce que ça vous fait d'être la reine des fellations?», lui demande un étudiant devant une salle qui retient son souffle et ses rires. «Ne réponds pas», lui murmurent des membres de l'assistance. Monica finit par répondre que la question est blessante et insultante, mais surtout qu'elle ne comprend pas pourquoi toute cette affaire, qui reste avant tout une affaire politique et judiciaire, a été réduite à une séance de sexe oral. «N'y a-t-il rien d'autre que ça à en retenir?», demande-t-elle.

Ce que le témoignage de l'ex-stagiaire fait ressortir brillamment dans Vanity Fair, c'est l'absence de solidarité féminine à son égard. Elle rappelle à ce sujet un texte paru dans le New York Observer qui avait réuni une poignée d'auteures féministes comme Nancy Friday et Erica Jong, au moment où le scandale venait d'éclater. Or, au lieu de prendre la défense d'une jeune femme de 20 ans, séduite et abandonnée par un président parfaitement irresponsable, ces femmes l'accablent de leurs jugements, la traitant d'écervelée et de moche.

«Les femmes ne sont malheureusement pas à l'abri de la misogynie», plaide-t-elle, ajoutant que bien qu'elle ait le plus grand respect pour le mouvement féministe, celui-ci lui a douloureusement fait défaut pendant la chasse aux sorcières de 1998. «Cette année-là, poursuit-elle, j'ai sans doute été la personne la plus humiliée du monde.»

Seize ans plus tard, Monica Lewinsky entend mener une campagne contre l'humiliation sur les réseaux sociaux. Elle espère, du même coup, que le récit du calvaire qu'elle a traversé et auquel elle a survécu consolera les victimes qui, tous les jours encore, subissent des humiliations sur l'internet: les consolera et, surtout, leur montrera qu'il peut y avoir une vie après l'humiliation.

ON EN PARLE BEAUCOUP

De la nouvelle mission de Guy Laliberté, le PDG du Cirque du Soleil, qui veut remettre son cirque sur les rails de la rentabilité et du renouvellement. Mais ce qui fait jaser le plus, ce n'est pas son plan d'affaires, c'est l'île au large du Pacifique, en Polynésie-Française, qu'il a achetée pour recevoir en paix sa famille et ses amis et y trouver refuge en cas de pandémie ou de guerre mondiale. Ma question: il n'aurait pas envie d'acheter l'île d'Anticosti pour que les Québécois puissent y trouver refuge et sauver leur peau si jamais la fin du monde arrive?

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

Du projet-pilote du maire Coderre qui permettra à 19 bars montréalais de rester ouverts jusqu'à 6h du matin entre le 12 juin et le 5 juillet. Le problème? Les bars choisis, des lieux plutôt pépères s'adressant à une clientèle de buveurs de scotch qui se couchent tôt. Pourquoi avoir sciemment évité des bars sur le boulevard Saint-Laurent ou dans le Village gai, des coins réputés pour leur tradition nocturne festive? Et enfin, pourquoi seulement jusqu'au 5 juillet? Trois semaines, c'est juste assez de temps pour que l'expérience soit parfaitement non concluante. Est-ce l'effet recherché par le maire?