Les affaires privées doivent être traitées en privé. C'est la réponse que François Hollande a donnée hier, à l'Élysée, au seul journaliste, parmi les 500 présents, qui a osé évoquer les révélations du magazine Closer sur les virées extraconjugales du président avec l'actrice Julie Gayet.

Pourtant, le journaliste a posé une question qui était d'intérêt public. Il ne voulait pas savoir à quelle fréquence le président trompait Valérie avec Julie qui, en passant, a joué dans le film québécois La turbulence des fluides, de Manon Briand.

Il voulait seulement savoir si Valérie était toujours la première dame de France. Sous-entendu: va-t-elle continuer à avoir son bureau et son personnel à l'Élysée? Et surtout, va-t-elle accompagner le président chez Michelle et Barack le 11 février, comme prévu? Bref, une question légitime dans les circonstances.

Le président a refusé d'y répondre, se contentant de déclarer que chacun, dans sa vie, peut traverser des épreuves qui sont des moments douloureux. Fin de la citation. Vous n'en saurez pas plus.

Avait-il raison? Les apôtres d'un puritanisme médiatique diront que tout le monde a le droit à sa vie privée, même les puissants, et que les priver de ce nectar, c'est verser dans le voyeurisme de bas étage et la culture du ragot.

Pour ma part, je suis de l'école qui pense que le privé est politique. Et bien qu'il s'agisse d'un vieil adage féministe des années 70 voulant que la révolution ne se limite pas aux institutions publiques, mais qu'elle ébranle aussi les murs des salons et des chambres à coucher, j'y souscris encore.

Partant de ce principe, je peux difficilement défendre le droit à la vie privée du président Hollande, dont les frasques en dehors des heures de bureau donnent une bonne mesure de son caractère. Pas plus que je ne peux admettre que ses virées en scooter la nuit pour aller rejoindre sa jeune maîtresse actrice dans un complexe d'appartements fréquenté par la mafia ne sont pas d'ordre public. Voyons! Soyons sérieux un instant et regardons les faits.

D'abord, quand un futur président se met en ménage avec une journaliste de Paris Match, l'organe de presse par excellence du ragot chic, il joue avec le feu et porte atteinte au concept même de vie privée.

Dès le premier jour de la nouvelle vie publique de François Hollande, ce qui a attiré l'attention des médias, ce ne sont pas les politiques du nouveau président, mais le statut de Valérie Trierweiler, sa concubine légitime.

Puis, il y a eu toute la question du logement (privé) du président et de sa compagne. Allaient-ils vivre à l'Élysée ou dans le 15e chez Madame? Le 15e a gagné. Madame allait-elle continuer à gagner sa vie comme journaliste à Paris Match? Ce fut en effet le premier plan de match évoqué, la première dame proposant d'abandonner la couverture politique intérieure pour faire des entrevues avec des personnalités politiques étrangères. Une riche idée, porteuse d'imbroglios diplomatiques et de conflits d'intérêts, qui fut finalement abandonnée. Dieu soit loué.

Autre point, et non le moindre: le tweet très privé de madame Valérie en appui au rival de Ségolène Royal, lors du deuxième tour des législatives de La Rochelle, à l'été 2012. Incapable de taire sa hargne (ou sa jalousie) contre l'ex de Monsieur, Valérie s'est servie d'une tribune très publique pour se venger. Elle a répété l'exploit vendredi dernier en se faisant hospitaliser très publiquement après la publication des photos de François et de Julie. La nouvelle aurait pu être tue. Ma main au feu que Valérie a tout fait pour qu'elle soit diffusée.

Tout cela pour dire que quoi qu'en pense le président Hollande, ses affaires privées n'ont cessé d'être traitées en public dans le téléroman où il tient le premier rôle. Et puis quoi, là, tout à coup, il faudrait arrêter le train? Impossible. François Hollande récolte ce qu'il a semé.

Ces choses étant dites, le président devrait être reconnaissant et remercier les journalistes français. Ceux-ci ont été d'une docilité qui confine à l'abnégation. Compte tenu du fait que les rumeurs au sujet de la jolie Julie couraient depuis près d'un an et que plusieurs journalistes politiques étaient au courant, leur réserve et leur discrétion ont été exemplaires.

Si ces mêmes journalistes avaient été britanniques, autant dire que ça ferait longtemps que le président aurait été obligé de remiser son scooter et peut-être même de démissionner. Mieux encore: à l'heure de la toute-puissance de l'internet, le président a réussi l'exploit d'échapper aux photographes amateurs et francs-tireurs armés d'un iPhone qui photographient tout et n'importe quoi et qui, en principe, auraient dû être les premiers à révéler ses aventures secrètes.

Pour une fois, l'internet a été battu par un photographe professionnel en mission commandée. Ce précédent mérite des applaudissements. Pour le reste, je souhaite au président Hollande de régler ses problèmes conjugaux et de retrouver un peu de sérénité dans sa vie privée. Comment et auprès de qui? Julie ou Valérie? C'est en fin de compte la seule chose qui n'est pas de nos affaires.