Le 2019, rue Moreau, dans Hochelaga-Maisonneuve, n'a pas toujours été un squat ni un lieu d'affrontement entre artistes, militants et autorités municipales, comme ce fut le cas cette semaine.

Le 2019, rue Moreau a déjà été La Maison des rêves, titre d'un merveilleux petit film qui y a été tourné en 1998.

Pendant plusieurs mois, l'homme de théâtre montréalais Guy Sprung a promené sa caméra dans cette ancienne usine textile convertie en refuge pour artistes en cavale. Il nous a présenté une galerie de personnages aussi hétéroclites qu'attachants: une jeune Allemande et ex-danseuse de la compagnie d'Édouard Lock, un clown français défroqué du Cirque du Soleil, une fille qui sculptait des momies en plâtre et Réal Lauzon, un poète ébéniste qui fabriquait de l'équipement pour décoller de la réalité.

De cette joyeuse bande immortalisée par le cinéma dans un film qui captait bien la liberté créatrice et la singularité montréalaise, il ne reste plus que Réal. Mais Réal s'en va. Même qu'à cette heure-ci, il doit être parti pour de bon. «Pus capable de supporter ce qui se passe ici», m'a-t-il confié mardi sur le trottoir du 2019.

Mardi, c'était la date officielle d'éviction des artistes des lofts de la rue Moreau à cause du mauvais état du bâtiment et des dangers qu'il représente pour ses locataires. La radio de Radio-Canada en a parlé toute la journée à ses bulletins, en prenant fait et cause pour les artistes. Et en oubliant de rappeler que les pompiers ont été appelés à de nombreuses reprises au 2019, rue Moreau. Des alarmes de feu ont été déclenchées pendant des partys trop bien arrosés ou alors quand les deux plantations de marijuana se sont mises à surchauffer.

Quant au proprio - Vito Papasodaro -, il semble répondre à la définition classique de l'opportuniste qui a laissé le bâtiment déjà déglingué se dégrader au fil des ans et qui, flairant la bonne affaire, a subitement décidé de rénover les lofts, de les subdiviser en plus petites unités pour faire un maximum de fric et ajouter une pierre de plus à l'embourgeoisement d'HOMA.

De loin, la cause des artistes semble juste et noble. De près, est-elle plus complexe, plus trouble, plus confuse? Car, malgré l'avis d'éviction, les artistes pourront continuer à travailler dans leurs ateliers. Ils ne pourront juste plus y résider comme avant. Pas tout à fait la même histoire...

Mais le mot-clé dans cette affaire, c'est "artistes". Ceux que j'ai rencontrés et qui occupaient le terrain vague le long du flanc de l'édifice depuis trois jours étaient surtout des activistes, des militants affiliés au FRAPRU, des punks prolos qui tétaient leur bière ou des professionnels de la contestation qui se retrouvent de manif en occupation, toujours à la recherche d'une cause.

Ils m'ont accueillie avec un air mauvais, ont dit au photographe de La Presse de «décâlisser», ont affirmé à tort que Réal ne voulait pas me parler, avant de se plaindre d'être victimes de profilage politique. Ces jeunes-là se disaient artistes, mais artistes de quoi, je ne l'ai jamais su.

Passe encore leur discours programmé sur la lutte des classes. Après tout, ils sont jeunes, ils ont droit d'être révoltés. Ce que j'ai trouvé pénible, c'est l'état des lieux: les sofas éventrés, la terre battue jonchée de déchets, le côté trash, sale et délétère de ce bidonville improvisé.

Une impression de lente et inéluctable dégradation physique et sociale se dégageait de la scène. La pauvreté rampante semblait avoir gangréné les lieux et recouvert la liesse d'il y a 15 ans d'amertume et de tristesse.

Une pétition circule actuellement sur le web pour que le 2019 soit vendu à l'organisme Bâtir son quartier, afin de créer une coopérative d'ateliers-logements d'artistes à prix modiques. On y fait appel à la solidarité de la communauté artistique pour qu'elle boycotte les futurs lofts Moreau.

Dans la vente de feu du 2019, rue Moreau, la seule chose qui a été sauvée, c'est un esprit de communauté. Sera-t-il assez fort pour rebâtir la maison des rêves? J'en doute.

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On n'en parle pas assez

De la disparition de la ville dans les films québécois. Ce n'est pas un reproche. C'est un constat qui me fascine. Lac Mystère, Vic + Flo, La Maison du pêcheur, L'autre maison, Tom à la ferme, tous les plus récents films québécois se passent à l'extérieur des villes. Les cinéastes québécois ont-ils peur de la ville ou trouvent-ils que celle-ci a été trop vampirisée par la télé? Vite, un débat.

On en parle trop

Des valeurs québécoises, mais sans jamais dire quelles sont ces valeurs. À ce sujet, j'aimerais citer Nicolas Boileau: «Aujourd'hui, les gens connaissent le prix de tout et la valeur de rien.» Le Québec serait-il si différent?

Je lévite

Avec Pénélope McQuade à la SRC

Elle s'est grandement améliorée, Pénélope, depuis ses débuts en avril 2011. Cet été, elle a été plus détendue, plus à l'écoute de ses invités et moins dans le contrôle absolu de son plateau. Vraiment, cette troisième saison nous a montré une animatrice en pleine possession de ses moyens. Pas étonnant que Radio-Canada l'ait engagée tout de suite pour l'an prochain.

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Les pubs de la rentrée de Walmart

Amis de chez Walmart, saviez-vous qu'il y a aussi des pères qui s'occupent de leurs enfants et qui participent, eux aussi, à l'organisation de la maisonnée? Quand, dans vos réclames, vous affirmez être le magasin de la rentrée de «toutes les mamans», ne trouvez-vous pas que ça sonne un peu 1953, comme si seule la femme au foyer, la célèbre ménagère, était capable d'acheter des cahiers Canada?