C'est le moment de l'année. Le moment où Rouge FM vire rose. Le moment où la station de radio lance sa collecte annuelle de soutiens-gorge pour amasser des fonds pour la Fondation du cancer du sein du Québec sous le slogan: Osez le donner.

En 2008, lors de la première collecte, la station visait 10 000 soutiens-gorge. Elle en a ramassé 50 000. L'an dernier, le chiffre a grimpé à 180 000. Notez que pour chaque soutien-gorge ramassé, le commanditaire remet un dollar à la Fondation du cancer du sein du Québec.

Il y a deux ans, j'ai reçu dans un joli sac cadeau rose un joli soutien-gorge rose du commanditaire Wonder Bra qui m'envoyait sans doute ce morceau de lingerie tout neuf pour m'encourager à me débarrasser de mes vieilles guenilles. Manque de chance, il était trop petit.

Parce qu'ils n'avaient plus d'argent ou n'en faisaient pas assez, les gens de Wonder Bra se sont retirés de la campagne. Le vendeur de matériel artistique et récréatif DeSerres a pris le relais il y a deux ans. Ne me demandez pas le lien entre le cancer du sein et les pinceaux, les trousses de crayons et les cahiers à colorier de DeSerres. Le seul lien que je vois, c'est que «Oser le donner» est une sacrée belle façon de s'acheter une visibilité et une bonne conscience.

C'est le moment de l'année. Le moment où les porte-parole choisies pour leur popularité envahissent les ondes pour nous sensibiliser au cancer du sein, ce qui n'est pas mauvais en soi. Le problème, c'est le propos, toujours cliché et jamais très éclairé.

Cette année, la chanteuse Marilou nous offre en prime une chanson de son cru, Tu partages ton corps, en hommage à sa maman qui a eu un cancer du sein. Une partie des profits de la vente sera remise à la Fondation. J'ai bien écrit une partie des profits....

C'est le moment de l'année. Le moment où je deviens fâchée noire de voir toutes ces femmes et ces filles aveuglées rose par une cause dont elles refusent de voir les dérives commerciales et les contradictions. Une cause chérie qui fait vendre de l'essence et du poulet frit, qui recycle de vieux soutiens-gorge, mais qui malgré tous les millions amassés, n'a toujours pas trouvé de remède ni identifié les facteurs qui font que 1 femme sur 8 sera atteinte alors qu'il y a 40 ans, c'était 1 femme sur 22.

Ici comme chez nos voisins du Sud, l'accent est toujours mis sur la mammographie, mot miraculeux, présenté comme un remède en soi. Pourtant la mammo n'est pas au-dessus de tout soupçon. C'est du moins ce qu'écrit la journaliste Peggy Orenstein dans un article, long et fouillé en vedette dans le magazine du New York Times de dimanche dernier, sous le titre The problem with pink.

Atteinte d'un cancer du sein à 35 ans, la journaliste a longtemps vanté les mérites de la mammo qui lui a sauvé la vie. Mais 15 ans et une récidive plus tard, elle s'interroge. «Jusqu'à quel point cette mammo a-t-elle changé quoi que ce soit, écrit-elle. Bien que je sois reconnaissante, j'ai vu trop d'amies dont le cancer avait été détecté tôt, mourir quand même. Une mammo joue peut-être par un faible pourcentage, un réel rôle préventif, mais pour chaque vie sauvée, 10 femmes reçoivent des diagnostics erronés et des médicaments toxiques inutiles.»

Elle poursuit en affirmant que, contre toute attente, les études ont démontré qu'un quart des cancers révélés par une mammographie se sont résorbés par eux-mêmes.

Inversement, pour celles atteintes de la forme de cancer la plus grave, elle affirme que le dépistage précoce ou tardif ne change rien à l'issue et que célébrer le courage des battantes qui ont survécu, c'est souvent célébrer des femmes qui n'avaient probablement pas besoin de traitements.

C'est le moment de l'année. Le moment où au lieu de se poser les vraies questions sur le cancer du sein, on s'amuse à recycler de vieux soutiens-gorge pour mieux vendre des crayons et des pinceaux. Le moment où, plutôt que de conscientiser les femmes sur la complexité du cancer du sein, on les aveugle avec de la poudre aux yeux. De la poudre rose.

ON EN PARLE TROP

De la dureté du clip d'Indochine réalisé par Xavier Dolan sur l'intimidation. Le clip n'est pas dur. Il est excessif et radical en cela qu'il dépeint à juste titre l'intimidation comme une crucifixion sur la place publique. La seule ambiguïté, c'est le merci de la victime. Merci de m'avoir délivré de mes souffrances ou merci, bande d'enfoirés? Mystère.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

Mais que faisait donc Yvon Deschamps à rire avec Gilles Cloutier, dans cette soirée douteuse commanditée par Roche. Est-ce monseigneur Turcotte qui l'avait invité?