À l'été 2001, la direction de CKAC m'a fait une proposition de fou: remplacer Paul Arcand à son émission du matin. J'ai eu la témérité d'accepter, forte de l'idée que l'été est un triangle des Bermudes radiophonique où tout naît et disparaît dans le même instant.

Pendant six semaines, je me suis acquittée de ma tâche du mieux que je pouvais sans essuyer de critiques désastreuses. Pas parce que j'étais bonne. Je ne l'étais pas. Plutôt parce que la radio l'été, comme je l'ai écrit plus haut, n'existe pas. Ni pour les annonceurs. Ni pour les auditeurs. Pour personne en somme.

Reste que dans mes rêves, j'imaginais des hordes d'auditeurs horrifiés abandonnant par milliers le bateau de CKAC, pour ne plus entendre la voix aiguë de la fille au nom bizarre qui les privait de leur Paul en or, le roi incontesté des ondes à ce moment-là et surtout, un homme: le seul titulaire valable pour occuper un tel poste.

On ne peut pas dire que la radio du matin a fait des pas de géant depuis. Au cours de la dernière décennie, bien que des femmes aient été engagées comme coanimatrices le matin, aucune d'entre elles n'a pris les commandes, façon Paul Arcand ou René Homier-Roy, sauf Doris Larouche à Saguenay.

C'est pourquoi l'annonce cette semaine que Marie-France Bazzo sera dans les faits la première vraie morning woman de Montréal la semaine (elle l'a déjà été la fin de semaine) est une excellente nouvelle. En même temps, la partie n'est pas gagnée.

D'abord, Bazzo remplace une voix qui fait partie du quotidien intime des auditeurs depuis plus de 15 ans. Or 15 ans, c'est long longtemps et ça ancre une habitude loin dans le subconscient. Pour en faire son deuil et se déprogrammer, il faut beaucoup de bonne volonté.

Et puis qu'on soit un homme ou une femme, l'émission du matin commande un délicat et savant mélange de calme et d'aplomb, d'humour et d'autodérision, de chaleur et de retenue et plus important que tout: des réflexes à toute épreuve. On n'y arrive pas du jour au lendemain.

Bazzo n'est pas une néophyte et elle s'amène au micro du matin avec un solide bagage radiophonique, une bonne tête et beaucoup de bagout.

Reste que si le passé est garant du futur, ses premiers pas dans une nouvelle aventure ont souvent laissé à désirer. Ce fut le cas au début d'Indicatif présent, rebaptisé Vindicatif présent pour son ton froid et un brin arrogant, le cas avec les premières quotidiennes souvent imbuvables de Bazzo.tv à Télé-Québec et le cas encore récemment au tout début de ses interventions dans la Commission Bazzo-Dumont à l'automne 2011. La première année, Bazzo ne faisait tout simplement pas le poids à côté de Mario Dumont, grand démagogue devant l'éternel, mais dont chaque commentaire portait le poids crédible du vécu alors que Bazzo semblait souvent pédaler dans une abstraite choucroute.

Mais Bazzo a une grande qualité: elle apprend vite et bien. Les résultats finissent toujours par être probants.

Tant et si bien qu'au cours de la dernière année, que René me pardonne, mais je l'ai trompé systématiquement tous les matins à 8 h 30 pour ne rien rater de la joute verbale de la Commission Bazzo-Dumont.

En fin de compte, celle qui a fait ses classes avec Pierre Bourgault, mais aussi avec René Homier-Roy, doit une fière chandelle à son futur rival. C'est en effet Paul Arcand qui l'a ramenée à la radio il y a cinq ans, lui offrant une tribune et un public élargi. C'est grâce à lui si elle a pu garder la forme (radiophonique) et recommencer à tisser un rapport avec les auditeurs. La saison prochaine, elle sera en bien meilleure posture pour prendre les commandes du matin. On lui souhaite bonne chance et bon courage. Une fille le matin, surtout la première, en a encore bien besoin.

ON EN PARLE TROP

De la campagne pour Coca-Cola contre l'obésité sans insister sur la bonne conscience et la belle image que ce géant de la calorie vide cherche à s'acheter. Tout cela pourquoi? Pour nous vendre plus d'eau imbuvable Dasani et de jus Minute Maid.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

Les Atrides à l'église Saint-Jean-Baptiste, rue Rachel. Il ne reste que deux soirs pour voir ce spectacle trippant avec 26 jeunes (et moins jeunes) comédiens tous fous de théâtre et de tragédies grecques, évoluant dans un décor grandiose avec un enthousiasme contagieux. À voir absolument.