Pourquoi sommes-nous ici? C'est toujours la même question qu'Oprah Winfrey lance en entrant sur scène au son de Higher ground de Stevie Wonder, qu'elle soit à Edmonton, Ottawa, Hamilton ou Calgary.

Et hier soir dans un Centre Bell bourdonnant de 15 000 fans, elle n'a pas fait exception, sauf que la salle chauffée à bloc par l'animatrice Jamie Orchard et par Mitsou, pour qui Oprah est rien de moins que la femme la plus puissante de la planète (merci pour Hilary et pour Angela Merkel), Oprah n'a pas pu poser sa question tout de suite, prise de court par l'enthousiasme tonitruant de ses fans de l'Ouest-de-l'Île comme de la Rive-Sud et de Laval.

Vêtue d'une longue jupe vert pomme, d'un chemisier blanc, de talons dorés et portant au poignet un énorme bracelet en diamant, Oprah a littéralement figé sous le tonnerre d'applaudissements. « Wow! «, s'est-elle écrié en essuyant une larme devant les débordements de la foule. « J'adore Montréal, je suis très contente d'être à Montréal. « L'étendue de son français s'arrêtant ici, elle a lancé en anglais: « Montréal, vous m'impressionnez! «

Puis, remise de ses émotions, Oprah a retrouvé son aplomb et a lancé sa question: « Why are we all here? (Pourquoi sommes-nous ici?) «

Pour ma part j'aurais pu répondre: parce que c'est mon métier. Quant à mes voisines du parterre ou des derniers balcons qui avaient payé entre 95$ et 350$ le billet, elles auraient pu ajouter: nous sommes ici pour toi Oprah, pour te voir, pour boire tes paroles, pour apprendre de tes leçons et tant pis si tu ne fais pas de la claquette ou de la danse poteau comme Madonna, nous serons toujours prêtes à te suivre, peu importe le prix.

Avec le soutien de trois télésouffleurs installés stratégiquement près d'elle et qui n'ont fait que bonifier son talent inné de conteuse, Oprah s'est mise à arpenter la scène et à nous faire le récit de sa vie. Ses succès comme ses échecs, ses forces comme ses failles, les moments charnières de sa vie qui l'ont sauvée et remise sur le droit chemin, tout y est passé. Mieux encore: tout coulait de source, naturel et sans effort, livré par une communicatrice hors pair, pourvue d'un grand charisme mais aussi d'une saine autodérision qui la rend si sympathique, humaine et attachante aux yeux de ses semblables.

Empruntant autant aux preachers de Mississippi, où elle est née, qu'aux stand up comics de Chicago, où elle s'est révélée au monde, Oprah offre des leçons de vie et de détermination simples et inspirantes, qui invitent les femmes à trouver qui elles sont et à découvrir leur raison d'être sur Terre. Oprah, pour sa part, a découvert presque par accident à l'âge de 16 ans qu'elle voulait être... Barbara Walters. Et pendant des années, elle n'a fait qu'imiter son idole jusqu'au jour où elle a fait une erreur en ondes et a décidé de l'assumer. «Ça été mon premier moment de vérité à la télé et la première fois que je ne faisais pas semblant. Un moment déterminant pour la suite des choses.»

Plus tard dans la soirée, elle nous a raconté son enfance pauvre et malheureuse, les abus sexuels dont elle a été victime dès 9 ans et sa fausse couche à 14 ans.

Mais le moment le plus touchant fut sans contredit quand elle a évoqué sa grand-mère qui ne souhaitait qu'une chose pour la petite Oprah: qu'elle se trouve de bons et de braves Blancs chez qui travailler.

«Si j'avais cru qu'une femme était définie par ses limites, je ne serais pas ici ce soir, a-t-elle lancé. On devient ce que l'on croit. Dommage que ma grand-mère ne soit plus de ce monde pour voir que j'ai fait ce qu'elle m'a dit: je me suis trouvé des bons Blancs... qui travaillent maintenant pour moi.»

La soirée était en partie commanditée par les Cosmétiques Lise Watier. L'entreprise qui célébrait ses 40 ans hier soir, avait acheté une cinquantaine de places dans les premières rangées. Mais au lieu de remercier son commanditaire, Oprah a préféré faire une fleur, une très grosse fleur, aux thés de David's Tea, dont elle est tombée amoureuse. Les pénuries du Chai de Saigon, son thé préféré, sont à prévoir d'ici la fin de la semaine.

Quant au but réel de cette soirée de deux heures qui s'est terminée par les questions du public relayés par George Stroumboulopoulos, le but se résume en trois lettres: OWN, le réseau d'Oprah qui ne décolle pas comme prévu et qui a besoin d'une masse critique d'abonnés au Canada.

Lorsque le logo de OWN est apparu sur l'écran derrière Oprah, tout est devenu clair. Si nous étions tous là hier soir, c'était peut-être pour trouver notre raison d'être sur Terre, mais c'était aussi pour aider Oprah et son réseau de télé.