L'être humain étant fondamentalement un gâteau à plusieurs étages, on peut très bien être gai et triste dans une même cuillerée. Cette délicieuse citation tirée du roman Le père de Lisa résume merveilleusement bien son auteur, la scénariste José Fréchette, qui nous a quittés mardi, emportée par un cancer.

Ce soir-là, par un hasard du ciel, TVA diffusait son dernier épisode de la saison pour la série O'. José l'avait écrit, l'automne dernier, sans se douter que la terrible douleur qui l'élançait dans le dos depuis des mois l'empêcherait de voir le fruit de son travail: ce dernier épisode d'une série dont l'idée originale n'était pas d'elle, mais qu'elle a développée, bâtie et accompagnée jusqu'à la fin.

J'ai connu José Fréchette en 1987, à la sortie du Père de Lisa, un premier roman frais et doux amer, salué unanimement par la critique, y compris par le camarade Foglia qui m'en parle encore aujourd'hui.

J'ignore ce qui a poussé José à quitter le champ littéraire où elle aurait pu devenir une voix originale et marquante. Je me souviens par contre de son premier scénario, On a marché sur la lune, l'histoire d'une ado qui prend sa première pilule contraceptive le soir où l'homme a marché sur la Lune.

Ce touchant court métrage, réalisé par Joanne Prégent, indiquait déjà que José avait autant de talent pour la littérature que la scénarisation.

Très vite après cela, au début des années 90, deux de ses scénarios de long métrage ont trouvé preneur. C'était le 12 du 12 et Chili avait les blues, réalisé par Charles Binamé, et Soho, par Jean-Philippe Duval (le même qui réalise aujourd'hui Unité 9), n'ont pas connu un succès fulgurant. N'empêche. Le style de José, ses personnages fantasques et rebelles et son ton très particulier y brillaient déjà avec éclat.

J'ai perdu de vue José à ce moment-là pour la retrouver, quelques années plus tard à la télé, où après Watatatow, elle avait repris en main Tribu.com. J'ai écrit sous sa direction pendant une saison et j'en garde un souvenir amusé et stimulant.

Après cela, on s'est appelés à l'occasion pour prendre des nouvelles. J'ai appris que son scénario de French Kiss serait porté au cinéma et qu'elle développait la structure dramatique et les personnages d'O'. Je n'ai jamais reçu ce courriel envoyé à plusieurs camarades en février, annonçant que le cancer qu'elle avait combattu, il y a un an et demi, était revenu plus fort que jamais et ne lui laissait plus d'espoir.

Six semaines plus tard, José s'est éteinte, entourée de son compagnon, de son fils et de ses soeurs, la dramaturge Carole Fréchette et la diplomate de l'ONU Louise Fréchette. S'il y a un paradis des scénaristes, José y a déjà fait sa place.

Salut José. Même si l'être humain est un gâteau à plusieurs étages, aujourd'hui je ne ressens que de la tristesse dans ma cuillerée.