Vu du ciel par le hublot d'un avion, le nouveau Planétarium Rio Tinto Alcan doit être spectaculaire. Il doit ressembler à un bras surmonté de deux cônes argentés qui aurait poussé à gauche du Stade olympique, à un bras futuriste et parfaitement raccordé avec un stade érigé il y a pourtant 37 ans.

Vu de terre ou, plus précisément, de l'esplanade en béton menant à son entrée, le Planétarium, dont l'aluminium scintille au soleil, est beau et impressionnant. Mais on le sent aussi un peu à l'étroit, coincé entre deux stades, l'olympique et le Saputo, et cherchant une respiration ou un dégagement dont il a été privé.

Sans doute que le plus regrettable de ce nouveau Planétarium, c'est la contrainte géographique qui lui a été imposée. Contrainte qui rend l'édifice à peine visible de la rue alors qu'il mériterait d'être au milieu d'une vaste étendue nue, tel un diamant dans une vitrine.

Qu'à cela ne tienne, ce Planétarium qui, pour les dix prochaines années, portera le nom de Rio Tinto Alcan - qui a déboursé 3,8 millions pour ce privilège - est une bonne nouvelle pour Montréal et pour son architecture.

Non seulement le bâtiment de 48 millions est beau, mais il porte la marque d'une réelle signature architecturale, chose que l'on croyait impossible chez nous depuis qu'une sympathique ministre libérale a déclaré et je cite: «La signature, on a essayé ça et ça marche pas.»

Désolée, madame l'ex-ministre, mais une signature, ça marche. À preuve, la foule de Montréalais qui se pressait samedi matin à la première visite libre du Planétarium et qui semblait presque aussi heureuse de fouler ce nouveau lieu que le premier homme qui a marché sur la Lune.

L'autre bonne nouvelle, c'est que le Planétarium est né d'un concours international remporté à l'aveugle par une petite firme montréalaise, Cardin Ramirez Julien, et AEdifica, une firme plutôt férue de caisses populaires, de centres communautaires et de CHSLD, mais qui, grâce à ce projet ambitieux, a pu faire valoir son envergure, son audace et sa maîtrise de la technologie écolo LEED.

Leur savoir-faire ne se limite pas à l'enveloppe extérieure du Planétarium, il se prolonge aussi à l'intérieur. Ici, l'espace s'articule avec élégance autour de deux immenses dômes, l'un dédié au jour; l'autre, à la nuit. Le premier, le théâtre de la Voie lactée, présente la projection scientifique d'un ciel étoilé, de Montréal ou d'ailleurs, commenté par un astronome. Dans le théâtre du Chaos, à côté, Michel Lemieux et Victor Pilon nous offrent une vision artistique de l'astronomie sous la forme d'un spectacle multimédia qui sera présenté dès l'ouverture officielle, le 6 avril.

Le théâtre du Chaos ne contient que 98 places, moitié moins que dans le Théâtre scientifique. On s'y installe sur des chaises Adirondack disposées en cercle au milieu de ce qui se muera en lac pendant la projection. En levant la tête vers la voûte étoilée, on pense immédiatement au dôme de la Société des arts technologiques (SAT). Ce n'est pas un hasard puisqu'au fil du temps, des artistes de la SAT seront appelés à imaginer des projections à la place de celles du duo Lemieux-Pilon. Excellente idée.

Contrairement au Planétarium Dow, celui de Rio Tinto n'est pas seul dans son île. Il s'inscrit dans un nouvel espace, l'Espace pour la vie. Avec le Jardin botanique, l'Insectarium et le Biodôme, cet espace constitue le plus important complexe consacré aux sciences de la nature au Canada. Au cours des quatre prochaines années, des travaux de réfection et d'aménagement y seront effectués pour un coût total de 190 millions. Fort bien.

Il reste que ce n'est pas le béton ni l'aluminium ni même les millions qui rendent un lieu accueillant, agréable, animé - vivant, en somme. Or, ce qui manque à cet Espace pour la vie, c'est précisément... la vie, une vie humaine, urbaine, où l'on a envie de flâner, de prendre l'air, d'aller manger un morceau ou d'aller prendre un verre. Pour l'instant, l'Espace pour la vie ne le permet pas. Une fois terminée l'observation des étoiles, des insectes, des plantes et des écosystèmes, il ne reste plus rien à faire sinon fuir. Trente-sept années après les Olympiques, ce coin de la ville ressemble toujours à la planète Mars: une planète déserte, un peu glauque, abandonnée par les êtres humains.

Pourtant, il s'en faudrait de peu pour que ce coin verdoyant de Montréal devienne un pôle culturel et un lieu réellement fréquentable. Quelques bistros, quelques bars, quelques terrasses, et le tour serait joué. C'est aussi ce que croit le directeur de l'Espace pour la vie, Charles-Mathieu Brunelle, celui à qui l'on doit le miracle de la TOHU, cette oasis de couleur née au milieu d'une des plus grosses poubelles de l'Amérique du Nord.

Dernièrement, à la chambre de commerce de Montréal, Brunelle a approché le milieu des affaires, lui demandant ce qu'il attendait pour investir dans ce coin méconnu de la ville. J'espère que sa voix sera entendue. C'est bien beau de regarder les étoiles, mais à un moment, il faut pouvoir redescendre sur Terre.

Le Parc olympique a coûté très cher aux Montréalais. Maintenant qu'il est payé, le moment est peut-être venu d'en profiter.