Pia Marais est une jeune cinéaste qui a quitté l'Afrique du Sud où elle est née, mais qui, y retourne régulièrement. Un jour, elle a eu l'idée de faire un film sur les revers de fortune provoqués par la fin de l'apartheid. En cours de recherche, elle a trébuché sur un autre sujet: l'énorme industrie de la sécurité née au lendemain de l'apartheid en 1994, alimentée par la méfiance et la paranoïa d'une société qui a abattu un mur racial pour aussitôt en ériger un autre: un mur économique, cette fois, qui oppose les riches et les pauvres.

La réalisatrice a croisé deux femmes propriétaires d'une entreprise de polygraphes qui louaient leurs machines à des entreprises pour des séances d'embauche. Pas pour embaucher des policiers ou des gardiens de prison. Pour embaucher des chauffeurs, des commis, des vendeurs, bref des gens appartenant à des corps de métier nullement liés à la sécurité.

La réalisatrice en a conclu qu'une société qui faisait si peu confiance aux gens qu'elle avait besoin de polygraphes pour les jauger n'allait pas bien du tout. Elle a décidé d'en faire un long métrage, un thriller psychologique qui porte le nom de son personnage principal, Layla Fourie, et qui a été présenté à la Berlinale.

J'ai eu la chance de voir ce film qui n'a pas remporté de prix, mais qui a obtenu une mention spéciale du jury. Et pour cause! Outre ses qualités cinématographiques indéniables, Layla Fourie nous plonge dans un climat social trouble et sous extrême tension.

On y découvre que ni la fin de l'apartheid ni la présidence de Nelson Mandela n'ont réglé quoi que ce soit. Tout le contraire. Aujourd'hui dans les grandes villes en Afrique du Sud, viols, meurtres et cambriolages sont la norme quotidienne. Les riches vivent barricadés dans leurs maisons comme s'ils étaient en perpétuel état d'insurrection. La plupart sont armés et n'hésitent pas à faire feu sur un intrus sans vérifier son identité. Ici, la vie ne vaut pas cher.

Je l'ai écrit cent fois, mais je le répète: rien de mieux qu'un film pour vous plonger dans une réalité étrangère et vous en faire saisir en peu de temps, les enjeux.

Grâce au film de Pia Marais, j'ai eu le sentiment de connaître un peu mieux l'Afrique du Sud et de comprendre la violence et la peur qui y règnent. Deux jours plus tard, comme si le destin cherchait à valider les propos du film, une belle blonde de 29 ans du nom de Reeva Steenkamp est morte, abattue de quatre balles dans sa salle de bains. Son agresseur, l'athlète olympique et héros national, Oscar Pistorius, a raconté en pleurs qu'il avait pris sa bien-aimée pour un cambrioleur.

Les autorités policières sud-africaines ne l'ont pas cru et ont porté des accusations de meurtre prémédité contre lui. L'affaire a connu quelques rebondissements dont des rumeurs d'enquête bâclée et le retrait jeudi de l'enquêteur en chef qui fait lui-même l'objet d'une procédure pour sept tentatives de meurtre.

Malgré cela, je n'ai pas lu un article, pas un seul, qui accrédite la thèse de l'erreur paranoïaque de Pistorius. Tous les médias semblent convaincus de la culpabilité du Blade Runner, surnommé ainsi en raison des deux prothèses en carbone qui lui servent de jambes et qui lui ont permis de courir le 400 mètres aux Jeux olympiques de Londres.

Si je n'avais pas vu Layla Fourie, j'aurais sans doute conclu à la culpabilité de Pistorius. Mais le film de Pia Marais met tellement bien en scène la violence et la peur qui règnent dans les chaumières en Afrique du Sud que je peux très facilement concevoir que Pistorius dise vrai. Je peux concevoir qu'il se soit réveillé en pleine nuit, alerté par un bruit suspect. N'ayant pas ses prothèses, il s'est senti vulnérable et a sauté sur son pistolet sans penser à rien sinon à sa peur. Je peux concevoir que c'est sa peur qui a tué Reeva.

Un article universitaire paru bien avant le drame avait qualifié Oscar Pistorius de pionnier posthumain. À la lumière des événements récents, tout indique qu'Oscar Pistorius était finalement un humain comme les autres, mais né dans un pays où la vérité sort de la bouche des machines et où on tire sur les gens avant de leur demander leur nom.

ON EN PARLE TROP

Pas ici. En France. Du cochon sublime du nom de DSK qui refait surface dans Belle et Bête de la journaliste Marcela Iacub, qui a eu une aventure torride avec DSK en pleine tourmente et qui a écrit le livre qui dit tout, tout. À paraître chez Stock le 27 février.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

De littérature, de culture, d'Histoire et de la qualité de l'éducation qui est donnée à nos enfants et dont il ne sera pas vraiment question au Sommet sur l'enseignement supérieur