C'est beau comme un paysage âpre et rocailleux de Van Gogh, silencieux comme une cathédrale vide, long comme un jour sans pain, mais au final Camille Claudel 1915, le film très attendu de Bruno Dumont mettant en vedette Juliette Binoche, est un brin emmerdant.

Internée par sa famille dans la région d'Avignon, en 1913, après que son émule et amant Auguste Rodin l'eut plaquée, Camille Claudel a passé plus de la moitié de sa vie à l'asile.

Le film raconte trois jours en 1915 alors que Camille attend la visite de son frère, l'écrivain Paul Claudel. Pendant ces trois jours, elle s'ennuie ferme chez les fous qui, dans ce cas-ci, sont d'authentiques déficients intellectuels choisis pour jouer leur maladie.

Pour une fois, Juliette Binoche n'en rajoute pas trop au rayon des débordements dramatiques et surtout, résiste à la tentation d'« isabelleadajniser » sa folie. Sa dignité et sa sobriété ont pour effet de nous convaincre que Camille Claudel n'était pas si folle que ça. Un peu parano peut-être, mais rien que quelques séances chez le psy n'auraient pu soigner.

En revanche, son frère Paul Claudel (Jean-Luc Vincent) est un fou furieux et un catho fanatique qui aurait dû être interné à sa place. Mais nous sommes en 1915 et les hommes ont encore la raison de leur côté, même les fous de Dieu. Camille passera les 30 dernières années de sa vie à l'asile avant d'y mourir.

Une histoire triste et un film âpre, sec et austère pour cinéphiles avertis ou masochistes finis.

Cherche désespérément Jafar

À la sortie du Palais des festivals, au milieu du trottoir, on découvre la découpe en carton du cinéaste iranien Jafar Panahi et, sous sa photo, l'inscription: « Je devrais être ici ».

En effet, Jafar aurait dû être à Berlin pour présenter son nouveau film Rideau tiré, qui, comme son précédent Ceci n'est pas un film, n'est pas vraiment un film.

En 2006, le cinéaste a remporté à Berlin l'Ours d'argent du jury pour Off side. Peu de temps après, il a eu le malheur de critiquer le gouvernement iranien. Depuis, il est assigné à résidence chez lui et n'a pas le droit de tourner de films pendant 20 ans.

Rideau tiré porte sur cette interdiction et sur comment Jafar a réussi à la contourner avec l'aide d'un ami réalisateur et d'une villa au bord de la mer où se réfugient un homme et son chien.

À peine ses valises déposées, l'homme tire tous les rideaux de la villa. Les islamistes viennent de bannir les chiens pour cause d'impureté et l'homme veut sauver le sien. Puis, surgissent à sa porte deux fugitifs, dont une jeune fille suicidaire.

On comprendra plus tard que cette jeune fille représente le côté désespéré et suicidaire de Jafar Panahi. La jeune fille arrache tous les rideaux et dans la lumière surgit Jafar Panahi lui-même qui règle des problèmes d'intendance tout en considérant le suicide par noyade dans la mer.

Le film dure 1 h 30 et même si Jafar Pahani y apparaît, on le cherche en vain tout le long. Ce qu'on cherche, c'est le cinéaste qu'il fut autrefois et qu'il n'est plus pour les raisons que l'on sait.

La meilleure façon de tuer un homme, c'est de le payer à ne rien faire, clamait Félix Leclerc. Non seulement les autorités iraniennes ont tué l'homme, elles sont en train de tuer le cinéaste.