Coup sur coup cette semaine, deux nouvelles ont terni l'image déjà peu reluisante de la Chine. La première nous a appris qu'à la suite de la publication d'une série d'articles sur la fortune cachée de 2,7 milliards du premier ministre chinois Wen Jiabao, le système informatique du New York Times a été piraté à plusieurs reprises. Une enquête technique a déterminé que les pirates étaient chinois et fort probablement en mission commandée, preuve que dès que les journalistes étrangers se mettent à fouiller dans les affaires du gouvernement chinois, ils sont assurés d'en payer le prix. Amis journalistes, tenez-vous-le pour dit.

Autre nouvelle rapportée par Catherine Mercier, la correspondante de la SRC en Chine. Il s'agit cette fois d'un appel à l'aide en forme de lettre manuscrite glissée dans une boîte de décorations d'Halloween achetée dans un Kmart de l'Oregon. Prisonnier d'un camp de travail dans le nord de la Chine, l'auteur de la lettre décrit des conditions de vie inhumaines: journées de travail de 15 heures, absence de congés, salaire mensuel de 1,60$, le tout sous le coup de brimades et de menaces de torture. Kmart a promis de faire enquête puisqu'une loi américaine interdit l'importation de produits issus de travaux forcés.

Le plus révoltant, c'est que ces camps de travail ne sont pas peuplés de criminels, mais d'opposants au régime qui n'ont rien fait d'autre que d'exprimer leur opinion, ou alors qui sont membres du mouvement politique et religieux Falun Gong, interdit en Chine.

Bref, des histoires comme celles-là ne nous donnent pas envie d'aimer un pays où les droits des citoyens sont constamment bafoués et où la liberté d'expression n'est qu'une chimère.

Mais il y a un paradoxe chinois, une sorte de zone grise où la frontière entre ce qui est permis et ce qui est interdit est brouillée, et où la dissidence arrive à s'exprimer malgré tout.

Ce paradoxe chinois, on peut le voir en ce moment même à l'Arsenal, qui a inauguré cette semaine son magnifique et vaste espace d'exposition de la rue William, dans Griffintown, avec l'exposition Coup de foudre chinois.

L'expo, gratuite et ouverte au public jusqu'en juillet, réunit les oeuvres d'une douzaine d'artistes chinois contemporains. Tous sont des créateurs dissidents, provocants, baveux, irrévérencieux et, pourtant, ils continuent de vivre et de créer en Chine, à la barbe des autorités.

Parmi les oeuvres exposées, une version chinoise du chien balloune de Jeff Koons: j'ai nommé Miss Mao 3, un immense buste en acier inoxydable pesant une tonne et représentant Mao Zedong affublé d'un long nez à la Pinocchio, d'un sourire niais à la Minnie Mouse et d'une gigantesque paire de seins à la Betty Boop. La sculpture des frères Gao est interdite en Chine où Mao, dit le Grand Tigre, a un statut quasi divin. Et pourtant, les frères Gao n'hésitent pas à se moquer de lui, de même que Qui Jie, père du pop art chinois. Dans les quatre immenses dessins au crayon que Qui Jie présente à l'Arsenal, le Grand Tigre a une tête de chat... dégriffé. Malgré ses moqueries maoïstes, Qui Jie est respecté comme artiste en Chine. Une expo au MOCA de Shanghai lui est consacrée en ce moment même. Pas de danger donc qu'il se retrouve dans un camp de travaux forcés de sitôt. Idem pour Chang Lie qui présente à l'Arsenal une série de tableaux dénonçant la propagande chinoise. Dans le dernier tableau, l'homme chinois est dépeint comme un eunuque parce que, affirme l'artiste, s'il avait des couilles, il dirait ce qui se passe vraiment en Chine.

Cette expo pourrait laisser croire que les artistes en Chine sont en fin de compte libres. Il n'en est rien. Selon un documentaire de la télé française, au cours des deux dernières années, près de 200 artistes ont été mis en prison dont le célèbre et subversif Ai Weiwei qui, depuis sa libération l'an dernier, ne peut toujours pas voyager.

La Chine a encore beaucoup de chemin à faire avant d'être un modèle d'ouverture et de liberté. Si seulement Miss Mao et son chat pouvaient lui faire entendre raison.

ON EN PARLE TROP

Le Super Bowl et ses statistiques. Pouvez-vous me dire à quoi ça sert de savoir qu'il y aura trois zillions de téléspectateurs à l'écoute, qu'ils se farciront 850 pubs à 4 millions de dollars le 30 secondes, tout cela en avalant 1,2 milliard d'ailes de poulet arrachées à 210 millions de poulets. Ça ne sert à rien sauf à donner mal au coeur.

ON N'EN PARLE PAS ASSEZ

L'avocate de droite Gail Trotter et son plaidoyer ridicule pour les «scary guns». «Pensez à la paix d'esprit que ressent une femme attaquée par trois, quatre ou cinq agresseurs pendant que ses bébés braillent, quand elle sait qu'elle a en sa possesion des «scary guns», a-t-elle déclaré au Sénat américain. Décidément cette femme mérite d'écrire des scénarios.