L'ouragan Sandy a fait des dégâts monstrueux qui prendront des années à réparer. Mais, aussi étonnant que cela puisse paraître, le monstre a aussi eu des effets positifs. Vendredi soir, par exemple, l'ouragan a servi de prétexte au vibrant appel à la solidarité du concert-bénéfice Coming Together, diffusé sur NBC. Ce concert intimiste d'une heure, organisé dans l'urgence du moment par l'animateur Matt Lauer, ne fut peut-être pas le concert du siècle, mais voir Sting, seul en scène avec sa guitare sèche, ressusciter Message in a Bottle, ce vieux classique de The Police, valait son pesant d'or. Tout comme voir l'ultime Jersey Boy, Bruce Springsteen, débarquer dans le minuscule studio avec le E Street Band.

Ses manches de chemise roulées sur ses biceps, l'incarnation incandescente de l'Amérique des ouvriers et des cols bleus aurait pu chanter My City of Ruins ou encore Sandy, ode mélancolique au passage de l'enfance à l'âge adulte avec le New Jersey en toile de fond. Mais le Boss a préféré creuser le sillon de l'espoir et de la résilience si chers à l'esprit américain, avec Land of Hope and Dreams.

S'il fallait trouver une trame sonore à l'ouragan Sandy, elle serait largement constituée des chansons de Springsteen sur le rêve américain et ses revers, chansons écrites il y a 20 ans et qui, aujourd'hui, au milieu des débris et de la dévastation, reprennent tout leur sens.

Les gens du New Jersey adorent Bruce Springsteen, mais ils ne l'aiment jamais autant que le gouverneur de l'État, Chris Christie, fan fini depuis l'âge de 13 ans.

Selon un article du Atlantic paru l'été dernier, le gouverneur de 50 ans a vu Springsteen en concert 129 fois. Il a tous ses disques, connaît toutes les paroles de ses chansons par coeur et se fait un devoir de traîner ses enfants et ses adjoints aux concerts du Boss. Manque de chance, l'amour inconditionnel que le gouverneur porte à Springsteen n'est pas réciproque. Oh que non! Toutes les mains tendues du gouverneur, tous les regards en coin qu'il a lancés au Boss à la fin de ses concerts sont restées lettre morte. Springsteen ne l'a jamais invité dans sa loge ni même salué de loin.

Dit poliment, Springsteen ne veut rien savoir de Chris Christie. Pour des raisons politiques évidentes et aussi parce que Springsteen n'aime et ne considère qu'un seul politicien: Barack Obama. Le même Obama que Chris Christie n'a cessé de critiquer tout au long de la campagne présidentielle.

En fin de compte, il a fallu un ouragan dévastateur pour qu'un véritable miracle s'accomplisse.

Jeudi soir dernier, pour la première fois de sa longue carrière, Bruce Springsteen s'est enfin rendu compte de l'existence du gouverneur Christie. À la fin d'un concert à Rochester, le Boss s'est avancé au micro et a salué publiquement le dur labeur du gouverneur. Toute la côte est américaine a failli s'évanouir de stupéfaction!

La veille, Chris Christie avait eu la bonne idée d'accueillir à bras ouverts dans son New Jersey dévasté le président Obama et de louer avec effusion son efficacité et sa grande générosité.

Peu importe si Christie le faisait par calcul politique, son changement de ton a donné un sérieux coup de pouce au président. Certains affirment même que si Obama l'emporte demain, ce sera en partie grâce au républicain qui aimait trop Bruce Springsteen.

Quant au Boss, il va passer toute la journée d'aujourd'hui à faire campagne avec le président. La tournée débute ce matin à Madison, au Wisconsin, puis se poursuivra à Columbus, en Ohio, avant de se terminer avec un dernier concert à Des Moines, en Iowa.

Un chanteur peut-il faire la différence dans une campagne électorale? Bruce peut-il sauver Barack et défaire Mitt Romney?

J'en doute, d'autant plus qu'au moins la moitié des fans de Springsteen sont d'allégeance républicaine.

Un chanteur à lui seul ne peut sans doute pas faire élire un président. Mais un chanteur, un ouragan et un gouverneur républicain qui passe dans l'autre camp, même le temps d'une photo, peuvent parfois changer le cours de l'Histoire. C'est le miracle que nous souhaitons.