Je revois encore la scène. C'était en avril 2011. Le gratin politico-culturel de Montréal avait convoqué les médias. Au menu: l'attribution de subventions totalisant 7,7 millions pour la réouverture des salles de cinéma d'Excentris. Bras dessus, bras dessous avec son grand ami le promoteur immobilier Christian Yaccarini et nouveau patron d'Excentris, le maire Tremblay rayonnait, tout rouge et tout fier d'être associé à une autre belle réussite culturelle montréalaise.

Sur le pas de la porte, je lui avais lancé: finalement ça ne va pas si mal que ça, Montréal! Il m'avait répondu que le meilleur était à venir et que le meilleur avait une date: 2017, l'année du 375e anniversaire de Montréal.

Vous serez toujours maire? lui avais-je demandé innocemment. Évidemment avait-il répliqué, ajoutant: Ce sera mon anniversaire, à moi aussi. J'aurai 75 ans!

Sur le coup, j'avais trouvé un brin étrange que Gérald Tremblay se voit encore maire à 75 ans, et surtout, qu'il s'en vante. Mais l'heure était à l'espoir et à la liesse, à quoi bon le contredire.

Avance accélérée jusqu'au 2 octobre 2012. Dans la salle bondée et animée de l'agence Sid Lee, on s'apprête à annoncer la deuxième présentation de C2-MTL. Gérald Tremblay, qui a soutenu la première édition de ce happening créatif d'affaires, monte sur la scène. Un silence glacial s'abat sur la salle. Puis de timides huées s'élèvent suivies d'applaudissements tièdes. Pas encore lui, maugréent certains invités.

À quelques coins de rue, Lino Zambito vient à peine de commencer son témoignage à la commission Charbonneau, mais ses propos accablants ont déjà miné le peu de crédibilité qu'il reste au maire.

C'était il y a exactement un mois. Depuis, je me demande qui du milieu culturel, un milieu plutôt favorable au maire lui ayant livré la place des Festivals et le Quartier des spectacles, va lui lancer la première pierre. Qui va sonner le glas de son règne?

Le coup de grâce est finalement venu cette semaine, porté contre toute attente par le plus grand ami culturel du maire, celui qui a bénéficié de ses largesses immobilières et à qui le maire a confié trois projets phares du Quartier des spectacles. J'ai nommé Christian Yaccarini.

Mardi, sur Facebook, le promoteur a traité les dirigeants de la Ville de voleurs, avant de demander la mise en tutelle de Montréal et la démission du maire. Quand c'est rendu que ton plus grand allié te renie publiquement, autant dire que tu es cuit.

Le 26 novembre prochain, le maire est attendu à la Tohu pour présider un grand forum sur la deuxième phase du plan d'action Montréal, métropole culturelle, une autre de ses grandes fiertés dont l'aboutissement est également prévu pour 2017.

J'écris que Gérald Tremblay est attendu, mais en réalité, plus personne ne l'attend. Tout le monde espère qu'il aura démissionné d'ici là et que le futur maire de Montréal, sans être assis dans son siège, sera dans la salle. Certains ont déjà commencé à dire que malgré tous ses beaux discours, Gérald Tremblay n'a jamais été un maire-culture comme le maire Jean-Paul L'Allier. Selon eux, le maire Tremblay est monté dans le train de la culture quand il a compris que ça serait rentable politiquement pour lui et Montréal. Et même s'il a soutenu la culture avec enthousiasme, disent-ils, il n'est l'instigateur de rien: ni le plan d'action de Montréal, métropole culturelle, ni le Quartier des spectacles.

Ainsi va la vie. Un jour on t'applaudit pour tes bons services. Le lendemain, on prétend que tu n'y étais pour rien.

J'ignore si, en 2017, Montréal sera la métropole culturelle d'envergure internationale qu'elle aspire à devenir. Je sais seulement que cette année-là, Montréal aura 375 ans. Et que Gérald Tremblay ne sera pas de la fête.

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On en parle trop

Le poulet et les crevettes qui viennent de s'inviter dans le menu du Commensal. Aux végétariens et aux autres admirateurs de courges et de brocolis qui pleurent d'avoir perdu leur havre anti-carnivore, je dis ceci: personne ne vous oblige à manger de poulet ou des crevettes au Commensal, ni à parler aux impurs qui le font.

On n'en parle pas assez

Le siège de Québecor à la Société de développement des entreprises culturelles. La rumeur voulant que le ministre de la Culture, Maka Kotto, soit favorable à la présence de Québecor au conseil administratif de la SODEC a été démentie. N'empêche. Admettre Québecor au C.A. de la SODEC, c'est permettre à Goliath de s'installer chez David, de vider son frigo et de lui faire payer le loyer. Pas une bonne idée.