Il y a la culture de la corruption et il y a la culture tout court. Autant dire que dans la présente campagne, ce n'est pas la culture tout court qui intéresse les chefs et galvanise les foules.

Pour l'instant, une seule voix s'est élevée à ce sujet: la voix de François Legault, qui a promis de bonifier le budget de la culture de 100 millions et d'en faire une de ses quatre priorités. Pour le reste, les chefs en campagne ont d'autres chats à fouetter.

Qu'à cela ne tienne, les artistes, eux, veillent au grain. Déjà, les fruits de leur engagement ont commencé à fleurir sur le web, parfois avec bonheur, parfois à notre plus grand désespoir.

Inutile d'accabler davantage la désormais célèbre chanson de Pauline, À nous de choisir. Hymne pompier gluant de bons sentiments de Nelson Minville, la chanson est interprétée par une foule de gens talentueux tels qu'Ariane Moffatt, Yann Perreau et Michel Rivard. Mais, dans le contexte, elle sonne comme le choeur éploré des naufragés de Marineland, pour paraphraser Marie-France Bazzo.

Dans la même veine lyrique, s'ajoute depuis quelques jours Dans les yeux de Léo, hymne romantico-politique à la gloire de Léo Bureau-Blouin, écrit et chanté par Douce Rebelle, de son vrai nom, Dominique Beauchamp. Ici, c'est le registre de la pure idolâtrie qui triomphe sous couvert de grandeur d'âme et de grandiloquence. Dans les yeux de Léo, Douce Rebelle voit refleurir la plaine, elle voit sa jeunesse, sa liberté, son appartenance, sa délivrance. Amen.

Le ton est grave et la musique à ce point dramatique qu'elle a inspiré à un internaute impertinent cette question, ma foi, assez perspicace: est-ce qu'il est mort?

Sur une note nettement plus rigolote et réussie, soulignons la capsule On est 2 millions, faut voter, produite par le Directeur général des élections et par l'Institut du Nouveau Monde. On y apprend que chez les 18-35 ans, moins d'un électeur sur deux vote aux élections.

Pour combattre cet inquiétant phénomène, Rémi-Pierre Paquin, Caroline Dhavernas, Joannie Rochette, Rebecca Makonnen et les humoristes André Sauvé et Eddy King font valoir le poids qu'auraient 2 millions de X si tous les 18-35 votaient.

Le texte, livré sur un ton pince-sans-rire avec un faux naturel engageant, débute avec les phrases ronflantes servies en vain aux jeunes et évolue vers un message plus direct et plus pragmatique sur la force du nombre des 18-35 ans. Une belle réussite, qui risque d'atteindre sa cible.

Quant à la vidéo championne de la semaine, j'accorde sans réserve la palme à Catherine Dorion, candidate pour Option nationale dans Taschereau. Je ne suis pas la seule. La vidéo de six minutes, mise en ligne vendredi dernier, a accédé cette semaine à la troisième position des vidéos les plus partagées au Canada sur YouTube. Hier matin, elle frôlait les 75 000 visionnements.

La fraîcheur du ton y est pour beaucoup, de même que la candeur de cette comédienne diplômée en sciences politiques du King's College de Londres, qui s'adresse à nous en camisole et n'hésite pas à employer des expressions comme «ça rocke» ou «plateforme bandante» sur un ton décontracté qu'on imagine mal dans la bouche de ses adversaires Agnès Maltais (PQ) et Clément Gignac (PLQ), qui se présentent également dans Taschereau.

Ce qui est frappant dans le message de cette sympathique comédienne qui apparaît dans L'Auberge du chien noir deux fois par année, c'est qu'elle s'adresse à nous comme à de vrais êtres humains avec une sincérité réelle qui rappelle l'absence criante de cette dimension dans le discours politique. Elle cite René Lévesque, qui croyait qu'un parti devait durer une génération sinon il finissait par devenir un repaire d'opportunistes. Elle termine la séquence en brandissant son propre bébé en nous exhortant à oser l'enthousiasme.

Sa candidature ne résistera probablement pas aux énormes machines électorales du PQ et du PLQ. Reste que si sa popularité sur le web, due en large partie à la sincérité de son discours, pouvait inspirer d'autres politiciens, ça serait déjà ça de pris.