Bientôt il y aura Paris, Barcelone, New York et Los Angeles, autant de capitales qui envisagent la candidature du studio montréalais Moment Factory pour d'éventuelles illuminations urbaines.

Mais en attendant, il y a Atlantic City. Mercredi soir, sur le célèbre boardwalk de la station balnéaire, les créateurs et concepteurs de Moment Factory ont offert aux Américains, pour leur fête nationale, un grand moment de grâce, doublé d'un précédent pour Atlantic City: le premier spectacle permanent fait sur mesure pour une ville où les spectacles changent tous les soirs. Depuis hier, d'ailleurs, le spectacle est présenté toutes les heures dès la tombée de la nuit et cela, 365 jours par année.

C'est Nelson de Robles, un Argentin établi à Montréal depuis six ans, qui a réalisé le spectacle Dualité après avoir travaillé sur les spectacles de Céline et de Madonna au Super Bowl.

Mercredi soir, son mini-opéra multimédia a commencé par l'illumination des 9 arches du Boardwalk Hall, un édifice emblématique datant de 1929.

La musique électro-orchestrale composée expressément par Vincent Letellier et diffusée par une vingtaine de haut-parleurs s'est élevée au-dessus de la foule dense. Puis, subitement, par un effet visuel saisissant, la façade de l'édifice s'est fissurée et ses pierres ont commencé à se détacher et à culbuter au sol, leur chute entraînant bientôt l'effondrement virtuel de tout l'édifice.

La foule a retenu son souffle tout en mitraillant la scène avec caméras et téléphones intelligents. Certains ont cru pendant une fraction de seconde que c'était peut-être la fin du monde ou alors une reprise du film catastropheIndependence Day. Puis, la surprise a cédé le pas aux cris d'émerveillement et aux applaudissements.

Ce n'était pourtant que le début de l'opus de huit minutes et demie, qui a coûté 3 millions à la Ville d'Atlantic City.

Des gerbes de couleurs ont alors explosé sur l'édifice, enveloppant les arches d'une myriade de teintes - rose, orange, mauve et bleu. Un ballet de formes géométriques concentriques a suivi, dans une sorte de duel métaphorique entre la raison et l'émotion.

À un moment, on a même vu clignoter une ampoule, en hommage au premier son et lumière projeté sur le Boardwalk Hall pour célébrer l'invention de l'ampoule de Thomas Edison.

Puis, à la fin des cinq actes imaginés par Nelson de Robles, l'édifice est devenu une immense machine à sous clinquante, clignotante et rose bonbon, dynamisée par la musique de Letellier.

Lorsque les 12 projecteurs se sont enfin éteints, il a eu quelques secondes de silence suivies par un tonnerre d'applaudissements.

Une demi-heure avant, le traditionnel feu d'artifice du 4 juillet, présenté en front de mer, avait laissé la foule au mieux passive, au pire indifférente. Mais la nouveauté du spectacle de Moment Factory, la beauté des projections et la densité des couleurs ont soulevé son enthousiasme.

«Extraordinaire», «impressionnant», «à tomber par terre» étaient les expressions qui revenaient le plus souvent dans la bouche des spectateurs. «Je n'ai jamais rien vu de tel. Les mots ne manquent», a dit nulle autre que Miss Atlantic City, qui assistait à l'événement. Godre Tucci, un gamin de 9 ans, était encore plus extatique. «J'en reviens pas comme c'était beau; et en plus, ça avait l'air réel!»

Une dame en fauteuil roulant a raconté qu'elle était venue voir le spectacle tous les soirs pendant qu'il prenait forme et qu'elle allait revenir le plus souvent possible, maintenant qu'il était installé en permanence.

Quant à Don Marrindino, le président du Casino Cesar's, il était tellement heureux du résultat qu'il a payé le champagne à toute la troupe après l'inauguration.

Sakchin Bessette, cofondateur et directeur créatif de Moment Factory, était particulièrement fier de la réaction du public. «On fait ces spectacles-là d'abord pour toucher les gens ordinaires et pour mettre un peu d'extraordinaire dans leur vie sans qu'ils aient besoin d'acheter un billet ou de payer un sou.»

Pour Éric Fournier, producteur exécutif chez Moment Factory, l'illumination du Boardwalk Hall est le début d'une relation qu'il espère longue et fructueuse avec Atlantic City. «C'est clair qu'on va revenir pour prolonger l'expérience et y faire des changements au fil du temps. Pour nous, c'est une très belle carte de visite.»

Le producteur doit justement rencontrer un client new-yorkais, mardi prochain, pour l'illumination de Wall Street et de ses environs dans un coin de la ville qui est bourdonnant d'activité le jour et où l'on roule les trottoirs le soir.

Moment Factory est aussi en lice pour la nouvelle illumination de la tour Eiffel à Paris, pour l'aéroport de Los Angeles et pour un projet top secret à Barcelone.

Depuis son association avec Madonna, au Super Bowl puis pour sa tournée mondiale, Moment Factory est devenu le studio multimédia de l'heure. Et le 15 septembre prochain, une boucle sera bouclée.

Pendant que Dualité sera projeté sur la façade du Boardwalk Hall, à l'intérieur, une certaine Madonna montera sur la scène dans un dispositif scénique conçu et imaginé par Moment Factory. Ce sera à coup sûr un autre moment de grâce dans toute la splendeur de sa dualité.

Photo fournie par Moment Factory

La façade du Boardwalk Hall d'Atlantic City, illuminée par Moment Factory.