C'est un édifice mythique datant du début du siècle dernier. Le Petit Prince l'aurait adoré puisque l'édifice a longtemps servi de complexe d'alimentation aux réverbères de Montréal. C'est un édifice en briques rouges, une relique de notre passé industriel qui rappelle aux branchés de Griffintown où il est situé, que l'innovation à Montréal ne date pas d'hier. Son nom? New City Gas.

C'est ici, dans cet édifice-hangar reconverti en palais techno et en salle de spectacles, que s'est tenu cette semaine l'événement C2-MTL. Mille deux cents décideurs du web, de la pub, des arts numériques et des nouvelles technologies y ont participé pendant quatre jours et quatre nuits. J'ignore si les habitants des condos chic de Griffintown autour ont sorti leurs casseroles (en ont-ils?) pour se joindre au grand tintamarre décrété tous les soirs. J'ose espérer que la clameur de la New City Casserole un peu plus haut s'est rendue jusqu'aux oreilles des participants du C2-MTL, quitte à enterrer l'électro-pop dans leurs iPod.

Quel rapport, me demanderez-vous, entre la New City Casserole et les conférences branchées à la New City Gas où ont défilé les bonzes de Google, de Disney, de Sid Lee et du Cirque du Soleil, sans oublier Arianna Huffington et Francis Ford Coppola? Le lien, ténu, j'en conviens, mais lien tout de même, c'est la créativité.

La créativité était en effet le grand thème de cette conférence d'affaires où de richissimes entrepreneurs sont venus répéter l'importance d'être créatif, imaginatif, l'importance de s'engager et de prendre des risques, quitte à se planter.

Passons sous silence la présentation d'Arianna Huffington et de son GPS pour l'âme qui sera bientôt lancé sous forme d'application nous aidant, entre autres, à retrouver le sommeil. Ce n'est pas la première fois qu'Arianna cherche à nous endormir.

Passons également sous silence la conférence sur le risque du cinéaste Francis Ford Coppola. Une loi spéciale - avatar de la loi 78? - empêche en effet les journalistes de rapporter ses propos, sous peine de poursuite et cela, même si tous les participants payants ont été encouragés à tweeter pendant son allocution. Cherchez l'erreur.

Parmi les conseils donnés aux conférences, mon préféré est celui de Guy Laliberté du Cirque du Soleil, qui a déclaré: «Je crois fondamentalement qu'il ne faut jamais faire de compromis, que ce soit face aux banques, aux organismes et à tous ceux qui doutent que votre idée de base fonctionne.»

J'ai failli retweeter le conseil à Martine Desjardins, à Léo Bureau-Blouin et à notre Gabriel Nadeau-Dubois national, en ajoutant: oubliez les récriminations de Gilbert Rozon, les amis, vous avez désormais un allié de taille en la personne de Guy Laliberté.

Je plaisante, bien sûr. N'empêche. Il y avait quelque chose de follement contradictoire à entendre ces richissimes hommes d'affaires revendiquer une créativité qui est le seul luxe des étudiants endettés et des artistes sans le sou. En même temps, à une époque où Vladimir Poutine lui-même dénonce la répression des étudiants québécois, nous n'en sommes pas à une contradiction près.

Contradiction ou non, cette première présentation du C2-MTL a été un beau succès et un baume sur une ville soi-disant assiégée. Sur les 1300 participants de C2-MTL, 40 % venaient de l'extérieur. Je n'en ai pas entendu un seul se plaindre d'une ville dont les dangereux habitants ont remplacé les fusils et les machettes par des chaudrons et des poêles à frire.

En réalité, Montréal est à ce point hot que le magazine Fast Company, la bible des amateurs d'innovation, a profité de C2-MTL pour dévoiler dans les magnifiques locaux du nouveau Centre Phi sa liste des 100 personnalités les plus créatives du monde des affaires. C'était la première fois dans l'histoire de cette liste qu'elle était dévoilée ailleurs qu'à New York. C'est tout dire.

C2-MTL a pris fin hier, au lendemain d'une soirée survoltée avec Moment Factory et le DJ Moby. Mais aujourd'hui, le grand public est invité dès 10 h à visiter l'endroit et ses installations immersives. Je rêve que le public se rende au 172, rue Dalhousie muni de casseroles et de cuillères de bois afin que la New City Gas et la New City Casserole ne forment plus qu'une seule et même ville: joyeuse, tapageuse, créative et engagée.