Nous attendions le pape. Et le pape ne nous a pas déçus. Je parle de son excellence Jean Paul Gaultier, qui s'est lui-même proclamé à la blague Jean Paul 3 vendredi au Musée des beaux-arts de Montréal où il était venu rencontrer les médias.

De ce long point de presse au lendemain de son enregistrement de Tout le monde en parle, j'ai retenu deux choses. D'abord, la générosité débordante et chaleureuse de ce grand designer qui n'a pas l'air de se prendre pour un autre même s'il aurait toutes les raisons de le faire.

La deuxième grande surprise est venue de la présentation des grandes lignes de l'exposition qui lui sera consacrée l'été prochain au Musée des beaux-arts. Parmi les dizaines de photos de ses oeuvres qui défilaient à l'écran, une en particulier m'a sciée en deux. Il s'agit de la photo d'une jeune mannequin, cheveux courts blonds. Elle porte un petit perfecto en cuir clouté, une longue jupe bouffante de ballerine en tulle blanche et des Converse aux pieds. À première vue, cette photo semble avoir été prise la semaine dernière ou, à la limite, l'automne passé. Le mélange du cuir et du tulle, la rencontre de la ballerine et de la punk, tout cela est vachement actuel. Pourtant la photo date de... 1977, il y a plus de 30 ans! Est-ce Gaultier qui était trop en avance, ou nous qui étions en retard sur la débauche de son imagination? Sans doute un peu des deux. Chose certaine, en parcourant l'iconographie de son oeuvre, on ne peut que constater l'immense et extraordinaire influence que Gaultier a eue sur la mode, sur la culture populaire, notamment par le truchement de Madonna, et ultimement sur la société moderne.

Les marinières que nous portions encore cet été, c'est lui. La femme à la fois libre et corsetée, c'est lui aussi. Les seins obus, les sous-vêtements extériorisés, l'exaltation de la masculinité chez la femme et de la féminité chez l'homme, le fétichisme chic, le futurisme textile, le détournement artistique d'objets usuels comme des boîtes de conserve, c'est encore et toujours lui.

Et à travers son exploration des tissus et des textures, à travers sa confusion des sexes et des genres et son jeu avec la diversité des corps (n'a-t-il pas été le premier à faire défiler des rondes plantureuses), une idée s'impose: la tolérance. Jean Paul Gaultier est non seulement un grand virtuose du vêtement, c'est le plus grand apôtre de la tolérance.

Que le musée des beaux-arts de Montréal soit le premier musée au monde à organiser une rétrospective de sa carrière est une initiative dont nous devons être fiers. Et d'autant plus que cette exposition créée à Montréal et le catalogue de 450 pages qu'elle produira feront très certainement le tour du monde.

Dernier facteur de réjouissance, c'est le metteur en scène Denis Marleau qui signera la scénographie de l'expo. Après avoir vu Les aveugles, puis l'an dernier La fête à Boris au festival d'Avignon, Gaultier s'était juré de travailler un jour avec Marleau. C'est maintenant chose faite. Un seul regret, il faudra attendre six mois avant de voir le fruit de leur labeur. Autant dire que j'ai déjà commencé à compter les jours.