C'est qui, maman, le monsieur tout poilu qui porte un soutien-gorge orange? Lundi soir à l'heure du souper, combien d'enfants à peine sortis de la garderie ou de la maternelle ont posé cette question à leurs parents en voyant au bulletin d'information les photos du défilé sordide de Russell Williams? Et combien de mamans et de papas bien intentionnés sont subitement devenus aphasiques et n'ont pas su quoi leur répondre. De toute façon, que pouvaient-ils bien leur dire? C'est un ogre, mon chéri, un fou furieux qui va finir sa vie en prison, oublie ça et mange ton pâté chinois.

Je ne suis pas juriste, mais je ne suis pas non plus complètement abrutie. Je comprends les besoins d'une justice, prise pour accumuler les preuves accablantes afin de décider de la sentence d'un accusé. L'ogre en sous-vêtements a beau avoir plaidé coupable, tant que la Couronne n'aura pas exposé le catalogue de ses horreurs, la justice ne pourra prendre toute la mesure de sa culpabilité.

Je ne suis pas juriste, mais par contre je suis journaliste et dans de telles circonstances, disons que j'ai un peu mal à ma profession. Je ne comprends pas, vraiment pas, l'insistance des médias (surtout les médias électroniques et quelques feuilles de chou) à nous montrer non pas une, mais deux, trois, quatre photos couleur prises par l'ogre lui-même alors qu'il jouait à Victoria's Secret dans le placard de son sous-sol quand ce n'était pas chez ses victimes.

Je ne comprends pas la diffusion ad nauseam des images de sous-vêtements volés et cordés comme des soldats de plomb. Je ne comprends pas pourquoi RDI, LCN et compagnie en ont rajouté hier en nous annonçant de leurs voix tonitruantes: encore plus de détails sordides, encore plus d'actes dégradants et violents! Un peu plus et les chaînes d'infos continues nous passaient la bande audio enregistrée par l'ogre lui-même alors qu'il violait et tuait une première victime. Pour tout savoir sur le calvaire des victimes de Russell Williams, restez à notre antenne.

Tout cela au nom de quoi? Du droit du public à l'information? Laissez-moi rire. Dans cet étalage éhonté de la déviance d'un homme, il n'y pas une parcelle d'information valable. Il n'y a que des calories vides et des gras trans qui carburent à la sensation. Il n'y a que des médias fascinés qui nous servent l'horreur en boucle et qui nous renvoient à notre impuissance collective.

Pourtant cette histoire et son ogre en dessous pas très chics comporte assez d'éléments dérangeants pour qu'il y ait une quelconque leçon à en tirer. Et je ne parle pas ici d'une formule magique qui aurait permis à la femme de Williams et à l'armée canadienne de voir à travers son jeu déviant. Des ogres comme Williams sont trop intelligents et rusés pour que leur entourage parvienne à les démasquer. En revanche, cet ogre s'est lentement et patiemment construit ou déconstruit au fil du temps. Ce serait autrement plus intéressant et informatif de savoir comment cette terrible déconstruction s'est produite.

Au moment de son arrestation, plusieurs médias écrits anglophones ont remonté le fil d'une vie instable, faite de nombreux déménagements, marquée par le divorce des parents et le remariage de sa mère à un ingénieur nucléaire.

Leurs récits détaillés ne nous ont pas fourni toutes les réponses, mais ils nous ont au moins donné certaines clés. Grâce à leurs enquêtes, on sait au moins d'où vient l'ogre, quels jalons ont marqué sa vie et l'ont en partie façonné. L'ouverture du procès a lancé un nouveau chapitre et nous a plongé au coeur des obsessions, de la perversion et de la déviance de l'ogre. Or le problème dans ce cas-ci, ce ne sont pas les pleines pages de reportages dans les journaux où le caractère obsessif de l'ogre est expliqué en détail. Le problème ce sont les raccourcis à la télévision, les clips de 30 secondes qui n'expliquent rien et qui ne font qu'exploiter l'horreur de cette histoire sordide.

C'est qui, maman, le gros monsieur en bikini rose? Être à la place de tous ces parents pris pour trouver une explication à ce qui ne s'explique pas en quelques secondes, je ne répondrais pas. Je ne ferais rien du tout. Sauf éteindre la télévision.

Syndicat des chanteuses internationales

La vraie nouvelle, ce n'est pas que Céline attend des jumeaux ni qu'elle a été hospitalisée par mesure préventive afin de leur éviter une naissance prématurée. La vraie nouvelle, c'est que dans moins de cinq mois, Céline sera de retour sur scène à Las Vegas. Faites le calcul. Si elle accouche en novembre et qu'elle commence les répétitions pour son spectacle au plus tard en février, son congé de maternité aura à peine duré trois mois. Trois petits mois de rien du tout après six tentatives de fécondation in vitro qui ont duré un an, une grossesse de neuf mois et l'accouchement de deux enfants! Au Québec, le congé de maternité est d'une durée maximale de 18 semaines auquel on peut ajouter un congé parental de 52 semaines. Qu'est-ce que Céline attend pour s'en prévaloir? Le cas échéant, qu'est-ce qu'elle attend pour fonder un syndicat des chanteuses internationales?