Tous ceux qui connaissent Pierre Lampron, nouveau bras droit de Louise Harel et peut-être futur président du comité exécutif de la Ville de Montréal, vous diront la même chose. Que c'est un homme affable, agréable, cool, civilisé et éminemment compétent.

Le genre d'homme qui, en prenant la direction de la SODEC en février 1995, avait rejeté l'expression «industrie culturelle», affirmant qu'on ne pouvait pas traiter les entreprises culturelles comme n'importe quelle industrie et qu'il fallait mettre en place des modes d'intervention particuliers.

Un homme de culture donc, proche des milieux culturels, qui ont d'ailleurs fait campagne pour lui et ont obtenu sa nomination à la tête de la SODEC, malgré les réticences de Rita Dionne-Marsolais, la ministre de la Culture de l'époque. Et de toute évidence, il n'a déçu personne puisqu'il a quitté la SODEC la tête haute et auréolée de l'estime du milieu, contrairement à un certain Jean-Guy Chaput, forcé de partir avant la fin de son mandat, la queue entre les jambes.

Rien de tel pour Pierre Lampron. Partout où il est passé, depuis le ministère des Communications jusqu'à l'empire Quebecor (où il a travaillé 10 ans), en passant par le bureau de Téléfilm Canada à Paris, la direction de TV5 Amériques (où il n'est resté que sept mois), et la SODEC, il n'a pas laissé de maison en feu, de pots cassés ni de meutes excitées et rancunières exigeant sa peau.

Non seulement apporte-t-il à Louise Harel, qui en a bien besoin, une réputation d'intégrité, mais dans une ville qui cherche à se positionner sur l'échiquier international comme une métropole de culture, de création et de créateurs, il est le président du comité exécutif idéal.

Sauf que... La culture c'est bien beau, c'est vital et essentiel, mais ça ne peut pas grand-chose contre la corruption, surtout quand elle a atteint un niveau de toxicité aussi élevé qu'à Montréal.

Or, Pierre Lampron a déjà été confronté à la corruption dans le milieu de la production cinématographique et télévisuelle. Et je ne parle pas ici de l'affaire Cinar où il a commencé par défendre Micheline Charest contre Claude Robinson avant de comprendre (un peu tard) qu'elle lui avait menti, ce qu'il a reconnu publiquement dans le film de Francine Pelletier La femme qui ne se voyait plus aller.

Je parle plutôt de la crise des «morons» comme le disait si bien Fabienne Larouche, crise qui a entaché la réputation des producteurs québécois, pas tous évidemment, mais ceux soupçonnés de profiter indûment des fonds publics par toutes sortes de subterfuges et de détournements. Lampron a été chargé par la ministre de l'époque de faire enquête sur la question. Le résultat fut le célèbre rapport Lampron, qu'il avait lui-même présenté en déclarant: «On ne pourra m'accuser d'avoir manqué de courage.»

S'il est vrai que le rapport dénonçait certaines pratiques douteuses comme la double facturation, l'utilisation de biens propres des producteurs pour les tournages, le travail au noir et l'usage frauduleux de crédits d'impôt, les producteurs délinquants n'ont jamais été identifiés ni accusés. Certains contrôles ont été resserrés, mais ceux qui avaient un penchant pour les pratiques douteuses ou pour les monopoles ont continué de sévir en toute impunité. La différence, c'est qu'ils se sont faits discrets.

Quant à Pierre Lampron, il a quitté la SODEC deux semaines plus tard, comme prévu, sans être en mesure de faire le suivi de son rapport.

Un an plus tôt, Pierre Lampron et son équipe avaient accouché d'un autre rapport: celui-ci sur l'avenir du FFM et surtout de son président et fondateur Serge Logique. Le rapport, qui préconisait que le FFM cesse d'être l'entreprise privée de Losique, mais devienne une société publique gérée par un conseil de gouverneurs, n'a jamais été publié. Devant la fin de non-recevoir de Serge Losique, Lampron lui a envoyé une lettre qui disait en substance: mon cher Serge, puisque tu ne veux rien savoir de nous, voilà ton cash (450 000$) et arrange-toi avec tes problèmes!

Je ne veux surtout pas faire de procès d'intention à Pierre Lampron qui, durant toutes ces années dans le monde de la culture et des communications, a essayé de changer les choses. Il n'en demeure pas moins que s'il n'a pas réussi à faire entendre raison à un homme obstiné, mais sans grand pouvoir comme Serge Losique, comment va-t-il s'y prendre pour qu'un redoutable petit club d'entrepreneurs en construction ne fasse plus la pluie et le beau temps à la Ville de Montréal? C'est à suivre.