Vous souvenez-vous de cette délicieuse blague que faisait l'humoriste Michel Mpambara à ses débuts sur scène? Après avoir chialé sur tout, sur rien et sur l'hiver, il lançait avec aplomb: "Y'a vraiment trop de blanc au Québec." À tout coup, le jeu de mots faisait crouler de rire les gens dans la salle, aussi bien les Blancs que ceux issus des minorités culturelles.

Mais cette semaine, avec la publication d'un sondage Léger Marketing sur la représentation des minorités culturelles dans les médias, ça ne riait plus du tout, surtout du côté du Conseil des relations interculturelles. Le sondage conclut que les minorités visibles s'estiment sous-représentées dans les médias québécois et se voient comme des minorités invisibles et abandonnées par les émissions de fiction et d'information.Il y a bien sûr une part de vérité dans cette perception. Comme le remarquait Patricia Rimok, la présidente du Conseil des relations interculturelles, prenez le métro à Montréal puis ouvrez votre télé, ce n'est pas le même monde. Montréal est en effet beaucoup plus bigarré, coloré, métissé et multiculturel que le laissent voir ses émissions de télé pourtant toutes produites à Montréal.

Sauf que depuis 10 ans, il y a eu des avancées qui méritent d'être soulignées et qui témoignent d'un mouvement d'ouverture irréversible. Pour un seul Normand Brathwaite à l'époque révolue de Chez Denise, il y a maintenant Anthony Kavanagh, Gregory Charles, Dany Laferrière, Boucar Diouf, Rachid Badouri, Maka Kotto, autant de noms qui jouissent d'un grand pouvoir d'attraction et qui sont devenus des piliers de la télé comme de la vie culturelle.

Du côté des acteurs, ceux issus des communautés culturelles sont beaucoup moins nombreux que leurs camarades blancs de souche pour une seule raison: leurs parents, immigrants reçus ou nouveaux arrivants, valorisent davantage les métiers scientifiques et administratifs qu'artistiques. Malgré cela, le bassin d'acteurs de couleur augmente et envahit lentement mais sûrement les écrans.

Certains pourtant en doutent. C'est le cas du comédien Angelo Cadet qui, cette semaine dans La Presse, mettait quiconque au défi de trouver cinq comédiens noirs jouant dans un téléroman. Je ne voudrais pas le décevoir, mais avec Normand Brathwaite et Jean-François Harrisson dans Grosse vie, Danny Blanco-Hall dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin, Didier Lucien dans Pure laine, Barbara Jean-Baptiste dans Virginie, Widemir Normil dans L'Auberge du chien noir et Frédéric Pierre qui incarnait à la fois un oncologue dans Annie et ses hommes et un magicien clown dans Destinées, on dépasse le compte. D'ailleurs, le cas de Frédéric Pierre est un bel exemple d'acteur noir né au Québec qui a réussi à s'imposer moins par la couleur de sa peau que par la force de son talent. Quiconque l'a vu interpréter l'hallucinante Lana Brown dans Cover Girl sait que son prix Gémeaux était amplement mérité. Malheureusement, tous les acteurs des communautés culturelles n'ont pas son talent ni son charisme. C'est une donnée importante dont ne tiennent pas compte ceux qui déplorent la sous-représentation des minorités visibles. Ceux-là se plaignent en plus du manque de musulmans, de Juifs et d'Arabes à la télé québécoise. De toute évidence, ils n'ont pas suivi Virginie, une émission pionnière à cet égard, où cette année seulement, les Juifs, les Arabes et les musulmans pullulaient à l'écran.

D'ailleurs, les producteurs de Virginie planchent actuellement sur un projet de comédie dont le titre est Noir de monde. L'histoire tournera autour d'une famille de riches Noirs dont la femme de ménage et le jardinier seront des Québécois de souche, incapables de concevoir que des Noirs aient pu devenir riches de manière honnête. Le projet n'a pas encore trouvé preneur, mais avec le métissage irréversible de la société québécoise, le jour où on ne pourra plus dire qu'il y a trop de blanc au Québec n'est pas loin.